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Editions CARÂCARA


L'Errance d'Ulysse fils de Laërte

Merugud Uilix maicc Leirtis ann so
(ms. Stowe n°992 et ms. du Livre de Ballymote -XIII et XIVème siècle)

Anonyme irlandais

trad. G. Vincent


PRESENTATION

Traduction
Texte en vieil irlandais

C'est en 1886 (London, Grimm Library, XII, 36p) que l'érudit Kuno Meyer publia ce petit texte basé sur la lecture de deux manuscrits du moyen-âge irlandais, accompagné d'une traduction anglaise et d'un glossaire de termes gaéliques présentant des difficultés. Il lui apparut que le manuscrit du Livre de Ballymote, bien que du XIVème s., présente des formes grammaticales plus anciennes que celles du ms. de Stowe.Le texte qu'il propose est donc une reconstruction à partir des deux versions (les notes donnant les variantes). Plus importante est sa recherche d'un modèle en latin, français ou anglais dont ce récit serait la traduction. Il n'en est rien, de même qu'il n'y a aucun lien avec le roman médiéval de Benoit de Sainte More "La Destruction de Troie" qui connut en ces époques un succès considérable.

Kuno Meyer conclut à une création purement irlandaise sans que l'on sache où cet auteur irlandais a pu acquérir ses connaissances quant à l'Odyssée. Réminiscences de l'épisode du Cyclope et du dieu Eole nommé ici "Juge du Vrai"ou "Seigneur de Justice" ; on y lit aussi une référence à l'Enéide. Apports irlandais évidents comme ce lac qui sort de l'oeil crevé du Cyclope, semblable à ces légendes irlandaises de lacs qui débordent et engloutissent tout un peuple. La croyance en un peuple des Esprits ("des cumachta") est du même ordre. L'érudit, alors conclut son introduction en pensant que la culture irlandaise a eu sans doute quelque connaissance des récits homériques.

Voici le résumé de ce récit :

Ulysse et ses compagnons, après la destruction de Troie, atteindraient presque leur terre natale si une tempête subite ne les repoussait en mer durant un an ; puis d'accoster à une Ile aux moutons où ils demeurent trois nuits.
Ulysse convainc ses compagnons de repartir, aborde à une autre île surmontée d'une montagne en or mais habitée par un Cyclope. Ce dernier en écrase certains, en élève neuf autres dans ses bras dont Ulysse qui, parvenant à s'enfuir, se munit d'une lance qu'il enfonce dans l'oeil unique du Cyclope. Un flot d'eau en jaillit et menace de les engloutir.
Un homme est abandonné sur une île pour mutinerie quoique le texte soit pudique à ce sujet : son sort sera de rencontrer Enée qui le tirera de sa vie de Robinson antique. Une épidémie décime une partie de l'équipage.
Sur une autre île qui évoque celle d'Eole, Ulysse obtient du "Seigneur de Justice" moyennant un poids d'or rouge à chaque fois renouvelé, trois instructions ou conseils à suivre pour rentrer chez lui. Si ces instructions sont observées, le retour s'effectuera sans ennui. Elles sont données dans l'ordre inverse de leur future utilisation. Le Seigneur de Justice, en outre, leur offre au moment du départ, une boîte à ne pas ouvrir avant d'être au terme des aventures.
Après cet accueil somme toute énigmatique, Ulysse revient chez lui, à sa place au royaume d'Ithaque. Sa femme Pénélope y est reine : derrière elle un beau jeune homme qu'Ulysse ne reconnaît pas comme étant son fils Télémaque. Jaloux, il découvre secrètement la vérité après avoir surpris une conversation de nuit entre la mère et le fils alors qu'il voulait se venger d'eux. Cet épisode le décide à déclarer son identité, mais la méfiance de Pénélope est telle, qu'elle lui impose trois preuves confirmant qu'il est bien Ulysse, en particulier la reconnaissance par une chienne d'aspect fort diabolique que seul Ulysse maîtrisait. Pénélope lui demandera en outre de retrouver la forme qu'il avait autrefois, sa beauté de jadis, tant le voyage l'a usé, tandis qu'Ulysse ouvrant la boîte donnée par le Seigneur de Justice, y trouvera tout l'or offert pour les trois consultations.

Analyse :

Il est évident, bien sûr, qu'une comparaison avec l'Odyssée montrerait à l'évidence et de façon vaine, tous les épisodes oubliés, rétrécis, etc. Ce qui importe, c'est plutôt de se dire que l'auteur poursuivait un schéma précis que seuls certains épisodes pouvaient ornementer. Or la réflexion de l'auteur irlandais s'appuie sur une tradition spécifique d'errance, ou "imram" au cours de laquelle le héros, libéré de ce bas monde, vagabonde dans l'autre, avec pour principal danger celui d'être "attaché", à tout jamais lié par un pouvoir magique à une île de l'Au-delà.

On se souvient de la figure de Maël Duin, victime d'une pelote de laine lancée par une fée, qui ainsi le ramène en son palais, en dépit de son envie de revenir chez lui, ou de celle de Bran qui n'a pas vu le temps passer et se trouve dans l'impossibilité de poser pied en Irlande, etc. Ce thème hante, d'une certaine façon, aussi notre texte puisque Ulysse et ses compagnons forment cette monade dont nous parlions, ne sachant comment retrouver une place demeurée vacante et risquant en plusieurs occasions d'être "prise". Angoisse de l'inadéquation, même si l'exil n'est pas toujours détestable et ouvre des perspectives charmeuses. Analysons donc précisément l'attitude d'Ulysse .

Lorsqu'il est en vue de son pays, il s'exclame qu'en raison de son absence, sa place doit être tenue par un autre roi régnant sur sa terre : "Ce que nous trouverons là, nous causera douleur... il y aura un autre roi sur notre territoire et notre terre sera en sa possession, et la vieillesse tombera sur nos corps, bien que cette terre nous appartienne de droit." A quoi ses compagnons lui répondent : "Ne laisse pas cela t'oppresser..." (soit en V-Irlandais "Na cuirid fort su sin...") où "cuirid" renvoie à une verbe "cuirethar" dont le sens est "jeter, rejeter, soumettre, se révolter, repousser", selon une ambivalence pour nous précieuse d'action et de réaction. En effet, dès le départ, l'auteur nous livre l'enjeu avec le mot-clef, celui de l'oppression : être errant, c'est curieusement devoir vieillir plus vite. Il est nécessaire de réintégrer sa place pour retarder quelque peu le mouvement du temps. D'ailleurs, dès qu'Ulysse se sera fait reconnaître par Pénélope, tout à la fin, il retrouvera beauté et vigueur.

Etre hors de son lieu revient à subir les outrages du temps, à être opprimé par une échéance menaçante et imminente, là où traditionnellement Ulysse nous est donné comme un homme préoccupé par le présent et rêvant d'un avenir qui lui accorderait le bonheur du retour. Dans cette version irlandaise, le héros se sent dans la tourmente du devenir, conçoit les conséquences d'un acte passé (avoir quitté son royaume), rêve de les effacer. C'est à une trame dont il est arraché qu'il veut se rattacher, cherchant à mettre entre parenthèses ou en oubli un passé aux effets à supporter. Le Temps n'est pas succession d'un passé, d'un présent et d'un futur, qui fait de l'Ulysse d'Homère un homme vivant son présent en vue d'un futur, mais le héros irlandais paraît doté d'une conscience marquée par la pesanteur du passé sur l'avenir. Il revient au héros, la tâche d'échapper à cette situation. Avoir quitté Ithaque, avoir détruit Troie, autant de facteurs qui l'ont isolé et placé à l'état de "monade" errante vouée à la mort rapide.

Aussi, l'on contera les différents essais tentés pour retrouver un milieu convenant. Au lieu d'une naissance, il sera décrit une involution aux étapes inverses de celles qui avaient produit l'éclosion de cette monade aventureuse. L'oppression sera constituée de ces arrêts forcés, où le héros risque d'être lié et de ne pouvoir revenir au point de départ, mais qui servent à lui montrer comment il est devenu tel et comment il retrouvera son identité. Et il se délivre moins par lutte que par sentiment d'étroitesse, par prise de conscience de la vacuité de ce qui l'a jusqu'alors façonné et motivé. Il doit "revenir à de meilleurs sentiments" pour ne plus être privé d'une socialité qu'autrefois il connaissait.

Sur l'Ile aux moutons, première île rencontrée après un an de tempête, la subsistance est suffisante jusqu'au jour du Jugement, selon le texte lui-même : "Nous avons abondance de nourriture jusqu'au Jour du Jugement, tant il y a de moutons ici. - Voici, dit-il, que je ne vous laisserai pas pour votre salut, renoncer à tenter d'atteindre notre terre natale."

Sur quoi, les compagnons d'Ulysse se plaignent que leur chef ne désire que leur mort, après avoir provoqué celle de tout son peuple. Première condamnation de l'héroïsme d'Ulysse : responsable de la mort d'innocents et première oppression, celle du bien-être facile, obtenu sans effort, et qui ressemble fort aux habitudes de pillage. Ses compagnons lui servent autant de prise de conscience et de remords à avoir que de faire-valoir. Ne résiste-t-il pas au charme de cette solution confortable, quoique inachevée ?

Sur la deuxième île atteinte, se trouve une montagne d'or. "Voilà qui est une bonne trouvaille, dirent les hommes d'Ulysse . Comment le savez-vous ? dit-il. N'avez-vous pas emporté bien assez de trésors en Troie ?" Mais ses compagnons font la sourde oreille et se précipitent vers l'or. Ce goût du lucre se visualise alors par l'apparition du Cyclope qui les écrase entre ses bras, brisant certains, comprimant neuf autres dont Ulysse qui, jouant des coudes, réussit à se glisser par en bas. Sauvé, il rejoint le reste de l'équipage au navire dont l'avis est: "Emplissons nos vaisseaux des trésors et poursuivons notre chemin".

Ulysse ne l'entend pas ainsi et songe à libérer ses compagnons pris par le Cyclope, au grand dam de l'équipage. Certes il désire se mesurer au géant mais surtout il veut savoir comment "ses" hommes "lui" furent enlevé. Et il découvre que "la nature sauvage (du géant) qui est dans son corps, peut être un handicap pesant, aisément surmontable lorsque son corps est assoupi". Le type d'oppression par force brutale et sauvage renvoie au comportement guerrier, sans foi ni loi qui a dû être le sien à Troie, et qu'Ulysse découvre odieux pour avoir à le subir lui-même. Il pourrait continuer à en appliquer les règles, en abandonnant ses compagnons à leur sort, il résiste à cette forme de tentation et détruit ainsi l'oppression exprimée. En effet, il organise l'évasion de ses compagnons en les faisant glisser le long du dos du géant, puis crève de sa lance l'oeil unique et s'enfuit pour éviter le raz de marée qui s'ensuit : "Et il eut la tâche difficile de se sauver hors de ce lac vaste et large d'eau qui jaillissait de l'oeil".

L'acte de crever l'oeil, dans cette histoire, correspond à un affranchissement certes matériel (mais après tout, l'acte est inutile puisque Ulysse aurait pu partir sans le commettre), plutôt moral comme si le héros se débarrassait d'un double. Aveuglé, le géant maintenait à l'intérieur l'eau prisonnière qui s'épanche : une poche se vide, une oppression s'écoule, un aveuglement signale la disparition dans le néant d'une façon de voir.

La suite du texte réduit le nombre des compagnons à neuf membres : exil de l'un, épidémie des autres. A la différence d'Homère qui fait rentrer Ulysse seul, l'auteur irlandais lui maintient une petite compagnie qui l'alourdit et le retarde, mais sert à montrer de quel point évolue Ulysse, de quelle illégalité a-sociale il s'extirpe. Ses compagnons sont intéressés, âpres au gain, cruels, avares, en bref, ils n'ont plus aucune norme sociale. L'écrivain prend un vif plaisir à montrer comment Ulysse au contraire vise l'intégration, recherche le chemin de la sociabilité. Ainsi signale-t-il son goût pour les langues : "Maintenant cet homme était très rusé, un homme intelligent, tout à fait sage, prenant part à maintes langues car il était habitué à parler la langue de chaque pays où il arrivait et à questionner les habitants dans la langue qu'ils utilisaient." Ulysse compense le fait d'être monade détachée, par une attention à l'autre, nouveau comportement prometteur. Il cherche conseil, et compte pour cela utiliser ses biens là où ses compagnons s'écrient : "Nos cheveux sont tombés, nos yeux ont décliné et nos visages sont devenus noirs et nos dents jaunes, et nous n'avons nullement besoin de dilapider notre or et nos biens pour une instruction qui ne pourrait être d'aucun usage pour nous."

On retrouve ici le thème du vieillissement accéléré lorsque l'on est hors de son lieu, errant à l'extérieur de toute entité sociale chargée d'une valeur de permanence propre à étonner si l'on oublie l'importance de la lignée et de la tradition (sortes d'anti-destin, victoire sur le temps) dans les sociétés premières. Les trois instructions qu'Ulysse consultant obtient du Maître de Justice (pâle souvenir d'Eole), ont une particularité commune, elles mettent l'accent sur le renforcement de l'unité. Le premier avis à suivre revient à prendre une décision lorsqu'il y a accord unanime des membres (et cela trois fois de suite) et lorsqu'Ulysse aura maîtrisé ses passions, en retenant sa respiration par trois fois aussi. Les règles de contrôle de soi et de vie collective sont clairement exprimées. Le deuxième avis se fonde sur l'obligation de ne point s'écarter de la route principale pour emprunter un détour ou un raccourci, autant dire de faire cesser l'errance, d'autant que le retour ne se fera que par voie de terre. En soi, ce changement est bien significatif d'une volonté de tourner le dos à une vie essentiellement maritime jusque là. Le troisième avis donné a trait à la position du soleil convenant pour le départ : "Ne permettez qu'aucun de vous ne quitte sa place ou son habitation, quelque forte que puisse être son impatience jusqu'à ce que le soleil ait atteint la position où il est maintenant". L'auteur irlandais nous montre bien par là qu'il conçoit la fin des aventures d'Ulysse comme une remise en ordre harmonieuse où chaque chose est à sa place. Le moment n'est plus indifférencié, il est choisi ; le groupe s'organise et s'impose discipline. Certes, à chaque instruction, les compagnons d'Ulysse ont protesté de voir leur or rouge dilapidé pour de vains propos, et lorsqu'ils seront à nouveau en chemin, ils obéiront à contre-coeur, reprochant à Ulysse de les conduire à leur perte. Mais l'unanimité se fera, sans qu'ils s'en rendent compte n'ayant rien d'autre à proposer et mettant en application le premier avis donné d'être tous d'accord. Le groupe social se reconstitue et se resserre. Le séjour chez le Seigneur de Justice dans des conditions de confort de nuit en nuit meilleures, semble comme indiquer le bonheur du civilisé, bonheur retrouvé.

Si nous regardons maintenant comment s'effectue le retour et l'installation en Ithaque, nous retrouvons ce thème de l'adéquation progressivement atteinte. D'avoir attendu que le soleil occupe une position précise, sauve Ulysse et ses compagnons de la mort ; d'autres, partis avant, sont enfouis lors d'une ouverture de la terre qui les engloutit.Dans le désert qui suit, deux hommes oublient de rester sur la route principale, et meurent, réduisant le nombre des survivants à huit personnes. Ces deux épisodes, aussi brefs soient-ils, choisissent des images très "catastrophiques" : une fracture du sol, un saut hors d'un champ stable suivi de mort immédiate. Toute morphogénèse semble interdite puisqu'il s'agit de revenir et de réintégrer une zone de stabilité.

De même, l'arrivée d'Ulysse devant Pénélope, ne nécessite aucun conflit contre des prétendants opprimant le sol d'Ithaque tel qu'on le découvre chez Homère, mais une dernière série d'adaptations. La "monade" n'est point sûre d'avoir encore une place disponible. Il faut vérifier que Pénélope, quoique accompagnée d'un beau jeune homme, est bien restée fidèle à Ulysse , là où Homère n'entretenait aucun doute à ce sujet. L'Ulysse irlandais se souvient d'un souterrain traversant le palais et donnant sur la chambre à coucher. Afin d'entendre la conversation, il entreprend ce projet après discussion avec ses compagnons craintifs, se surprend à vouloir se venger en tuant Pénélope et l'homme qu'il croit être son amant, puis se souvient de devoir contrôler ses premiers instincts. Bien lui en chaut puisque Pénélope se réveille et raconte à son fils qui dort à ses côtés, comment elle vient de rêver du retour de son époux. Ulysse rassuré s'endort. Toute la scène est dominée par le souci d'une intimité possible, préservée, qu'il reste à retrouver. Le souterrain, le rêve, les paroles de Pénélope affirmant "n'avoir point connu d'autre homme", contredisent le seul acte envisagé et refusé, celui de la décapitation dont la violence rend compte de l'éviction, de la guerre, de la séparation d'un ensemble harmonieux en deux monades perdant toute existence. Ulysse peut donc s'abandonner au sommeil, le moment est proche où tout rentrera dans l'ordre.

Lorsqu'enfin, Ulysse avoue son identité, le lendemain matin, il subit une dernière épreuve et avance trois preuves (paroles ayant trait à leur vie conjugale ; une broche en or échangée ; une chienne nommée, décrite, n'aimant que son maître). Seule la description de la chienne, ("Elle a deux côtés d'un blanc brillant, un dos d'un pourpre lumineux, un ventre très noir et une queue verte" ) rompt avec le cadre très quotidien et vraisemblable. L'auteur, peut-être, nous indique par là qu'un tel animal proprement "merveilleux" (d'un aspect diabolique!) est plus proche par son instinct d'une juste authentification que les hommes, et que plus la bête est sauvage, plus la certitude peut être grande. Ce serait un retour à la "vérité naturelle" primordiale, terrestre, s'opposant aux errances incertaines, aux entités nomadisant, aux envols désordonnés des existences humaines. Homère faisait seulement rendre à la chienne d'Ulysse un dernier souffle à la vue de son maître. Cela suffisait parce que tout en Ithaque était opprimé, et que la chienne était un pieux souvenir du maître, laissé pour compte. Ici, la chienne a bien été traitée comme si elle devait servir à la reconnaissance finale. Tout, d'autre part, en Ithaque, est resté identique, régulier. C'est le voyageur, et lui seul, qui a subi l'outrage du temps puisque Pénélope s'écrie une première fois (lorsque Ulysse se fait connaître):"Où se trouve votre beauté et où sont vos hommes, si vous êtes Ulysse ?" puis elle admettra qu'il est bien son époux, quoiqu'elle ait craint que ce soit une illusion forgée par des Esprits : "Le peuple des Esprits est nombreux, et je ne m'étendrai pas avec vous tant que vous ne retrouverez pas votre visage d'autrefois". Etre errant, isolé, hors d'un lieu continu, correspond à une destruction accélérée, au milieu d'esprits malfaisants qui cherchent à capturer l'isolé, le vagabond, et lui découvrent par quelles violences il est devenu "a-social" parce qu'elles opèrent sur lui à la façon dont il opéra souvent sur autrui, l'appauvrissant, le réduisant (perte de ses compagnons), vouant le détruire et l'amoindrir physiquement. Juste retour des choses, où la morale est sauve, rassurante, en l'honneur du genre humain, ce que l'auteur irlandais ne manque pas une dernière fois d'exprimer quand il laisse à Ulysse le soin d'ouvrir cette boîte offerte par le Seigneur de Justice, et le plaisir d'y découvrir enfermée la somme d'or rouge versée pour les instructions. Rien n'est perdu, Ulysse a retrouvé la place qui lui convient, et dirions-nous, l'ordre est restauré dans la joie de tous.

Ce texte pourrait appartenir au genre des contes dans la mesure où il ramène le lecteur à des considérations morales et sociales et le rassure par son souci d'aboutir et de combler, de ne rien abandonner en suspens. Il y appartient, en bonne part, mais il est aussi le reflet du mouvement d'errance ordinaire. Au lieu de montrer que l'errance peut être une progressive délivrance, une lutte contre l'arrêt emprisonnant (Enée fuyant Troie, Ulysse échappant à la mort), il s'interroge sur les dangers consécutifs à cette situation : tentatives pour happer le héros errant, l'absorber ou le détruire en des lieux qui ne lui vont pas ; élaboration d'une conscience sur la violence qui a été nécessaire pour devenir une entité sans attache et sans règle. Ce dernier point demeure à un niveau latent, non-dit, si ce n'est par les remarques acerbes des compagnons d'Ulysse et par leur volonté de vivre comme auparavant, sans mea culpa ni remords. Ulysse s'impose de revenir à une conduite ordinaire, et c'est ce qui le conduit chez lui, lui fournit le moyen de faire correspondre son existence à un lieu adéquat où sa femme l'attend. Ce texte, malgré sa brièveté et son caractère peu littéraire, préserve en lui une réflexion sur les conséquences d'une "sortie" hors de l'humanité. Une problématique se fonde entre ce goût pour la mesure et l'appel de l'inconnu. L'auteur alerté par la réflexion homérique la suit en l'inversant, avec une lucidité remarquable pour présenter une thèse opposée, soit une capacité d'analyse intuitive louable.Ici, l'Ulysse irlandais se dirige dans le sens inverse de l'Ulysse homérique. Le premier- Uilix - redevient humain (il retrouve sa place), le second - Ulysse - devenait autre (plus libre, plus confiant envers Athéna, plus juste)

Nous conclurons par cette impression de lecture : une ambiance de mystère, quelque peu crépusculaire, comme cette lumière propre aux rêves baigne ce récit, et c'est en sorte son principal atout.

Mais il y a plus : nous nous demandons si ne survit pas dans ce récit un structure mythique indo-européenne. On rappèlera la mort des cinq héros du Mahâbhârata, après l'engloutissement de la ville du dieu ami Krishna, dans l'ascension d'une montagne,leur découverte qu'au ciel sont leurs ennemis, le dieu Dharma (ou dieu de la Justice) déguisé en chien et accueillant le dernier survivant. Cette fin ressemble à l'histoire homérique : chute de Troie avec un raz de marée, voyages vers la mort des survivants (le mot "nostos" ne signifiant pas "retour" mais "salvation" d'après l'étymologie actuelle), arrivée au paradis d'Ithaque où banquètent les "mauvais". Le récit irlandais a des éléments bien identiques à ces deux traditions indiennes et gecques: l'inondation (l'oeil du cyclope crevé), la mort progressive des compagnons, l'intervention du dieu sauveur à condition que l'on suive ses conseils (Eole), le rôle du chien (sorte de Cerbère infernal). L'auteur irlandais a pu utiliser une trame celtique antique, racontant une fin de monde, et y placer les éléments homériques sans se douter qu'ils étaient eux aussi de la même origine indo-européenne. Cela facilitait le rapprochement de façon subconsciente. Dossier à ouvrir qui donnerait à ce récit plus d'importance qu'il n'y paraît. (cf dans le site l'article Le Mahâbhârata, un modèle épique "IIème partie")

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sommaire

 

L'Errance d'Ulysse fils de Laërte.

Après la prise et la destruction de la capitale troyenne et après les exploits grecs, chacun d'eux revint dans sa terre natale et dans son pays. Alors Ulysse, le fils de Laerte, aussi, atteint sa terre et son pays, et il vit les monts de sa terre natale devant lui. " Ce que nous trouverons là, nous causera douleur - ainsi, la belle, et noble reine que nous avons laissée là, se trouvera avec un autre homme devant notre face, et il y aura un autre roi sur notre territoire, et notre terre sera en sa possession, et la vieillesse tombera sur nos corps, bien que cette terre nous appartienne de droit. " - " Ne laisse pas cela t'oppresser ", dirent les hommes d'Ulysse, " car nous trouverons, tous, même malheur. " Alors une tempête tomba sur eux, et ils étaient de nouveau emportés sur l'humidité de la mer béante, et durant une année ils étaient, ainsi, égarés, jusqu'à ce qu'ils accostent à une île immense. Et ils y trouvèrent des moutons gras et grands, couverts de laine, en tuèrent trois. Et ils plantèrent leurs tentes là-dessus, installèrent leurs feux et préparèrent leurs moutons. Trois jours et trois nuits ils furent en ce lieu. Après quoi, Ulysse parla : " Il est temps pour nous de partir " dit-il. - Ce n'est pas juste ce que vous dites." Répondirent-ils, "puisque ici, nous avons abondance de nourriture jusqu'au Jour du Jugement tant il y a ici de moutons. " - " Voici, dit-il, que je ne vous laisserai pas, pour votre salut, renoncer à tenter d'atteindre notre terre natale. " -" Ce que vous tentez de faire, dirent-ils, c'est nous inviter tous à périr dans votre sillage, ainsi que tout votre peuple déjà perdu avant cela. " Alors ils quittèrent l'île et s'en allèrent au loin sur leurs navires, et une année passa sur la mer jusqu'à atteindre une autre île. Quand ils furent allés sur cette île, ils trouvèrent une montagne d'or en son milieu. " Voilà qui est bien "- dirent les hommes d'Ulysse. " Comment le savez-vous ? " dit-il. " N'avez-vous pas emporté assez de trésors de Troie ? " Et ils commencèrent à amasser l'or jusqu'à ce qu'ils vissent le Cyclope venant à leur rencontre. Et il ne les questionna pas, mais dès qu'ils furent là, aussitôt il arriva au milieu d'eux. Là où se trouvaient des héros ou des combattants, il ferma ses bras autour d'eux, et brisa leurs os et leur chair. Alors, après en avoir tué un grand nombre, il en éleva neuf entre ses deux bras, emmenant aussi Ulysse le fils de Laerte. Maintenant quand Ulysse, cet homme si rusé et si intelligent, perçut qu'il avait été emmené de force, il se glissa entre les coudes de ses hommes jusqu'au sol, et ses hommes furent emmenés loin de lui. Alors il gagna les navires et relata ces nouvelles aux neufs hommes demeurés sur les navires. Et son peuple lui dit : " Emplissons nos vaisseaux des trésors et poursuivons notre chemin. " - " Non, pas ainsi, dit-il, tant qu'il n'a pas été trouvé comment mes hommes me furent enlevés ; car il est triste et affligeant pour moi qu'ils aient été emmenés loin de moi. " -" Bien que cela soit triste, répondirent-ils, ne parle pas ainsi, car nous jugeons que c'est un honneur bien suffisant que ta présence parmi nous. " Alors Ulysse partit à la recherche du géant ; et il se dirigea vers la porte d'une grotte. Là, il vit l'expression triste et pâle de ses hommes dans la grotte le guettant. - " Camarades, dit-il, grand est le danger dans lequel vous êtes. " - " Vous avez raison, acquiescèrent-ils, et vous-même serez hors de ce danger. " - " Non, pas ainsi " dit-il ; " Pas avant que moi et le géant, nous ne nous soyons mesurés. " - " A quoi songez-vous ? " Dirent-ils, " Quels moyens avez-vous à votre disposition contre lui ? Votre lance n'est pas assez pointue, ni votre bras assez fort pour que la pointe de votre lance puisse frapper un os dans son corps. " - " Pouvez-vous tenter de monter sur son dos par derrière ? " Dit-il. - " Hélas ! , Reprirent-ils, il y a trois enjambées d'un homme normal entre ses mamelles. " - " Comment savez-vous, dit-il, que la nature sauvage qui est dans son corps, peut ne pas être un handicap pesant, aisément surmontable lorsque son corps est assoupi ? Montez sur lui, par derrière, ajouta-t-il, et gonflez vos poitrines au maximum afin d'être plus légers vous-mêmes. " Ils se levèrent et s'avancèrent sur lui. " Maintenant partons " dirent-ils. " Non, pas avant que moi et le géant nous ne nous soyons mesurés ", dit-il. Il grimpa sur lui, et dans son œil énorme qu'il avait dans le milieu de son front, il enfonça la pointe de sa lance, entre les deux sourcils, et il donna une poussée à sa lance dans l'œil. Et il eut la tâche difficile de se sauver hors de ce lac vaste et large d'eau qui jaillissait de l'œil. Cependant la montagne s'ébranla et la grotte résonnait des battements que le géant énorme faisait avec ses pieds et ses bras, comme il cherchait à savoir qui lui avait fait subir cet outrage. Et ensuite ils s'embarquèrent. On raconte qu'un homme du peuple d'Ulysse s'en alla à cause d'une humeur entêtée et paresseuse et ce fut cet homme qui rencontra Enée, fils d'Anchise quand il était dans son voyage d'exil.

Maintenant Ulysse passa une année sur la mer après avoir quitté cette île et neuf de ses hommes seulement touchèrent terre avec lui tandis que les autres trouvèrent la mort par suite d'une maladie inconnue. Alors Ulysse accosta et des bergers avec leur troupeau vinrent à sa rencontre. Maintenant cet homme était très rusé, un homme intelligent, tout à fait sage, prenant part à maintes langues car il était habitué à parler la langue de chaque pays où il arrivait et à questionner les habitants dans le langage qu'ils utilisaient. Et voici ce qu'il apprit d'eux : le seigneur de ce pays était le Juge du Vrai. " Quel droit obtient qui le sert ? " Demanda Ulysse. - " Tout homme qui obtient des instructions de lui, atteindra sa terre natale immédiatement ", répondirent-ils. - " Pourquoi, reprit Ulysse, n'obtiendrai-je pas des instructions de lui ? " - " Vous n'avez pas les moyens ", dit celui avec qui il parlait " ; - " car une instruction pour un seul jour n'est pas donnée sans lui verser trente onces d'or. Et vous, dirent-ils, qui êtes-vous ? " -" Un des fugitifs de Troie " dit-il. Et il les quitta et gagna son navire. Et ses hommes lui demandèrent les nouvelles. Et il relata ce qu'il avait entendu et leur parla d'obtenir les instructions. Mais ils dirent qu'ils n'avaient aucun désir d'agir ainsi " car nos cheveux sont tombés, nos yeux ont décliné et nos visages sont devenus noirs et nos dents jaunes et nous n'avons nullement besoin de dilapider notre or et nos biens pour une instruction qui ne pourrait être d'aucun usage pour nous ! " - " Que préférez-vous, leur dit-il : de laisser votre trésor dans les brèches du danger ou aux portes de la mort, ou bien de le dépenser pour une instruction qui vous sera profitable ? " Sur ce, ils continuèrent leur chemin jusqu'à la forteresse et l'homme de la place forte vint à leur rencontre dans la prairie pour s'informer d'eux. Et ils lui racontèrent toutes les épreuves qu'ils avaient encourues. Il leur demanda d'où ils venaient. - " Nous sommes venus apprendre de toi notre retour. " - " Vous l'obtiendrez pourvu que vous ayez les moyens à cela. " - " Quels sont les moyens nécessaires en tout et pour tout ? " Dirent-ils. - " Je ne donne pas une instruction pour un seul jour sans trente onces d'or rouge. " - " Nous trouverons ce qu'il faut pour trois jours. " Dirent-ils. Alors ils furent accueillis et une chambre séparée leur fut donnée, et nourriture, boisson leur étaient apportées et tout était prêt pour se baigner et se laver et ils s'installèrent cette nuit-là. Tôt le lendemain ils se levèrent et vinrent au lieu où le maître de justice se tenait. Ils pesèrent les trente onces d'or rouge qui lui étaient destinées et il leur parla et c'était l'instruction : " Bien que vous neuf ayez le même père et la même mère parmi vous et bien qu'un homme ait tué votre père et votre mère, cependant ne vous décidez pas à le tuer avant que vous n'ayez tenu trois conseils avec vous-mêmes à ce sujet, et avant qu'il soit certain que vous tous soyez du même avis pour toujours. Et bien que cela se produise pour un seul d'entre vous, néanmoins, ne le laissez pas donner la mort jusqu'à ce qu'il ait par trois fois retenu sa respiration et tenu conseil avec son propre esprit. Une fois la décision de son esprit confirmée par cette réflexion, alors, laissez le donner la mort. " - " Continuez. " Demandèrent-ils. -" Pour l'heure c'est suffisant. " Dit-il. Alors ils regagnèrent leur demeure. - " Cet or a été jeté en l'air " , dirent les hommes d'Ulysse. Ils restèrent là cette nuit et bien que les soins de la première nuit fussent de qualité, ils furent encore meilleurs cette nuit là. Ils se levèrent tôt le lendemain et gagnèrent la demeure de l'homme aux instructions. Trente onces d'or rouge lui furent pesées et voici ce qu'il dit : " Quant au chemin que vous parcourez chaque jour en votre voyage, ne prenez pas un détour ou un raccourci, mais suivez la route principale. " - " Continuez. " Dirent-ils. - " C'est assez enseigné pour l'heure. " Répondit-il. Alors ils regagnèrent leur demeure. - " Cet or est perdu. " Dirent les hommes d'Ulysse. - " Qui sait ? Peut-être trouverez-vous son usage ? " Dit Ulysse. Et bien que les soins des deux premières nuits fussent de qualité, ils furent encore meilleurs la troisième nuit. Ils se levèrent tôt le lendemain, et gagnèrent la demeure de l'homme aux conseils. Et trente onces d'or rouge lui furent pesées et voici ce qu'il dit : " Voyez-vous le soleil en ce moment ? " - " Nous le voyons. " Dirent-ils. - " Ne permettez qu'aucun de vous ne quitte sa place ou son habitation, quelque forte que puisse être son impatience, jusqu'à ce que le soleil ait atteint la position où il est maintenant. " - " Continuez " dirent-ils. - " J'ai suffisamment révélé quant à moi. " Dit-il. - " Et ne partez pas demain avant que je vous aie parlé. " Dit-il. Ils regagnèrent leur demeure, et se levèrent tôt le matin suivant, et sortirent sur la prairie. Et l'homme vint à leur rencontre, leur dit adieu et ils lui confièrent leurs bénédictions. - " Prenez avec vous, dit le Maître de Justice, cette petite boîte comme sauvegarde, et si vous l'ouvrez, vous n'atteindrez jamais votre terre natale. " - " Voilà une maigre récompense pour nous, après que nous avons rejoint notre pays. " Et il leur donna la direction pour atteindre leur pays par voie terrestre.

Ensuite ils poursuivirent leur route. Mais ils atteignirent un grand carrefour, et il y avait un hôtel ouvert au public dans ce carrefour. Ils y entrèrent comme tout un chacun. Une multitude de gens venait de tous côtés dans cette maison. Chacun d'eux demandait à l'autre : - " Dans quelle direction irez-vous demain ? " - " Nous irons vers le pays de la limite. " Répondaient-ils. Cependant, la compagnie qui était dans cet hôtel se leva. Ils sortirent de la maison pour aller dans le champ. C'est pourquoi Ulysse dit : - " Mes trente onces d'or ne m'apporteraient rien de bon si je ne restais pas sur place tant que le soleil n'aura pas pris la position dont il nous a parlé. " Alors il s'assit. - " Qu'est cela ? " Lui demanda son peuple. - " J'observerai mon instruction. " Dit Ulysse. - " Voilà bien ce que vous recherchez, dirent-ils, que nous puissions tous périr dans votre voyage ; de même que les hommes des quatre-vingt navires qui tombèrent devant Troie ont péri durant votre voyage, de même périrons-nous dans votre voyage. " - " Comptez-vous rester ? " Dit un homme de la compagnie. - " De même. " Répondirent-ils. - " Etes-vous au fait du pays de la limite ? " - " Nous ne le sommes pas. " Reprirent-ils. - " Ne voyez-vous pas ce champ et cette route ? " - " Nous les voyons. " Dirent-ils. - " Allez vers eux et si vous traversez, vous atteindrez votre pays sains et saufs. " Alors la compagnie continua sa route, mais Ulysse avec ses hommes attendit que le soleil se fût levé à la position qui leur avait été dite. - " Là-bas, dirent-ils, se trouvent les premiers de la compagnie sur la route, et si nous étions là-bas maintenant, nous atteindrions sains et saufs notre maison. " - " Il me semble, dit Ulysse, que la compagnie n'a pas encore traversé le champ, et même si vous étiez là, vous ne souhaiteriez pas d'y être. " Et soudain, ils aperçurent que la terre s'ouvrait sous la compagnie, si bien qu'ils ne virent plus personne de vivant. - " Avez-vous vu ? " Demanda Ulysse. - " Nous avons vu. " Répondirent-ils. - " Excellent est le profit retiré de nos trente onces d'or ; et, avouons-le maintenant, " dit-il, " allons-y, car les Esprits les auront dispersés là-bas, après la mort. " Alors, ils poursuivirent leur route jusqu'à atteindre le pays de la limite, et ils pénétrèrent dans un immense désert. Et ils ne suivirent ni raccourci ni détour qui les écartât de la route principale. Et voilà que deux de ses hommes s'en vinrent sur un raccourci de côté, qui immédiatement trouvèrent la mort.

Les sept compagnons, cependant, qui demeuraient, atteignirent leur ville natale, et vinrent en cet endroit fleuri où se trouvait la Reine. Et ils la virent assise sur un grand trône placé sur le plancher solide de la maison et un jeune homme, le plus beau parmi les héros du monde, était derrière elle. - " Je vous l'avais bien dit ", soupira Ulysse. - " Il faut le supporter. " Dirent-ils. - " Hommes de bien ici devant moi," dit la Reine dont le nom est Pénélope, " qui donc êtes-vous ? " - " Des marins égarés, voilà qui nous sommes. " Dirent-ils. - " Entrez, dit-elle, dans cette maison d'accueil. " Ils furent réconfortés cette nuit jusqu'à ce qu'ils aillent dans leur lit. - " Savez-vous ce que j'aimerais faire ? " dit Ulysse. - " Nous ne le savons pas " , répondirent-ils. - " Je possédais une grotte souterraine sortant de la ville, et il y a une entrée à l'intérieur de la ville là-bas, avec une porte fermant cette ouverture, et une autre issue extérieure dans les champs, et le poids d'une grosse pierre la fermant. Et ce que je veux faire, c'est de franchir la porte extérieure, de traverser la grotte jusqu'à l'autre issue, jusqu'à ce que j'atteigne leur chambre à coucher, et la place qu'ils occupent ensemble sur l'oreiller ; là je les tuerai tous deux avec mon épée. " - " Le Diable vous conseille ", dirent-ils. - " Mais il est plus approprié que vous alliez rechercher le Roi de Grecs et que vous déploriez auprès de lui vos malheurs ; de même que vous vous êtes consacré à son armée, de même qu'il se consacre à la vôtre pour disputer votre pays natal pour votre compte. " -" Que les dieux ne permettent jamais cela ! " Répliqua Ulysse. Alors il y eut une argumentation pro et contra entre lui et ses hommes. - " C'est ainsi que nous sommes tous tombés dans votre voyage. " Affirmaient-ils. Alors il se leva, les quitta pour pénétrer dans la ville, et atteindre la chambre à coucher où il entendit leur conversation à eux deux sur l'oreiller. Et il tira son épée du fourreau sur-le-champ, et leva son bras. - " Bien nul sera le bénéfice à tirer de mon instruction, se dit-il, si je ne maîtrise pas d'abord ma nature en retenant ma respiration. " Trois fois, il leva son bras et voulut leur donner la mort. Alors parla la Reine : " Ah, ah ! Mon fils, dit-elle, votre père m'est apparu sur nos têtes et il avait la ferme intention de nous décapiter parce qu'il croyait que vous étiez mon bel amant. Je jure par les dieux que je vénère, reprit-elle, que je n'ai jamais commis de faute avec un autre homme depuis qu'il partit avec l'armée des Grecs ; et il me laissa enceinte à l'époque de son départ, et vous êtes né de cette grossesse. Et je n'ai jamais permis que le corps d'un autre homme entrât dans mon lit, sauf quelqu'un de son sang et du mien, ce qui a donc toujours préservé son honneur. " Quand Ulysse entendit ce discours, son esprit se réjouit en lui. Ensuite elle se leva, pleura d'abondantes larmes rapides, et il l'écoutait jusqu'à ce que le sommeil tombât sur lui, et même jusqu'à la fin de la nuit. Alors il se leva et sa honte était grande de ce sommeil. Il sortit, s'étendit parmi ses hommes, et leur narra les évènements. Et il remercia les dieux. Au matin ils se levèrent et vinrent en la même maison. - " Hommes de bien, dit la Reine, qui êtes-vous donc ? " - " Je suis Ulysse fils de Laerte ", dit-il. - " Vous ne sauriez être Ulysse que nous avons connu. " Dit-elle.- " Si fait, je le suis, reprit-il, et je vous en donnerai la preuve " , ajouta-t-il. Et alors il parla de ses doux secrets et de propos ensemble et de choses qu'elle cachait en son cœur. - " Où se trouve votre beauté et où sont vos hommes, dit-elle, si vous êtes Ulysse ? " - " Ils ont péri. " Dit-il. - " Quels sont les derniers objets que vous m'avez confiés ? " Demanda-t-elle. - " Une broche en or, dit-il, et une tête d'argent était sur elle ; et je pris votre broche avec moi quand je m'embarquai et c'est alors que vous avez pris congé de nous. " Dit Ulysse. - " C'est vrai. " Dit-elle. - " Mais si vous êtes Ulysse, j'interrogerai votre chienne. " - " Je ne m'attendais pas à ce qu'elle fût en vie. " Rétorqua Ulysse. - " Je lui ai donné le " gruau de longue vie " car j'avais remarqué le grand amour que vous lui portiez. De quelle sorte de chienne s'agit-il au fait ? " Demanda-t-elle. - " Elle a deux côtés d'un blanc brillant, un dos d'un pourpre lumineux, un ventre très noir, et une queue verte. " Répondit Ulysse. - " Telle est la description de la chienne ", dit-elle. - " Et, bien plus, aucun homme dans la place forte n'a osé lui donner sa nourriture si ce n'est moi-même et vous et l'intendant. " - " Que cette chienne soit emmenée ! " dit Ulysse. Et quatre hommes se levèrent, et conduisirent la chienne dans la maison. Et quand elle entendit Ulysse, elle tira d'un coup sur sa chaîne si bien que les quatre hommes furent jetés sur leur dos et tirés à travers la maison derrière elle, et elle sauta sur la poitrine d'Ulysse, lécha sa face et sa personne. Quand le peuple d'Ulysse vit cela, ils s'élancèrent vers lui. Tout homme qui ne pouvait atteindre sa peau, voulait embrasser ses vêtements de maints embrassements. Et sa femme ne vint pas vers lui. - " Vous êtes bien Ulysse. " Dit-elle. - " Je le suis. " Reprit-il. - " Le peuple des Esprits est nombreux. " Dit-elle. - " Et je ne m'étendrai pas avec vous jusqu'à ce que vous retrouviez votre visage d'autrefois. " Une semaine passa avant qu'elle ne reconnût son visage. Alors ils devinrent unis. - " J'ai une petite boîte. " Dit Ulysse. - " Que l'homme de bons conseils me donna, et il m'invita à ne l'ouvrir que lorsque je pourrai te l'offrir. " Ils l'ouvrirent sur-le-champ. Quatre vingt dix onces - c'est à dire la somme versée pour les conseils - s'y trouvaient, et un couvercle d'or à son sommet, afin de lui conserver le véritable montant.

Voilà donc l'errance d'Ulysse, le fils de Laerte, du début à la fin, jusqu'à maintenant.


 

sommaire

Version en vieil irlandais

Merugud Uilix maicc Leirtis ann so.

IAR n-indriud ocus discàiled primchathrach 'na. Troianda ocus tuirthechta'na n-Gréc, tànic cach dib dochum a crichi ocus a feraind dilis féin. Tànic tra, Uilix macc Leirtis dia chrich ocus dia ferand, co n-acca dad slébti a feraind féin. " Is doilig linn tra ani fogébam and sut i. in rigan àlaind àilgen ro fàcsam and a beith ac fir eili innar fiadnaisi, ocus rig ele ar ar crich, ocus ar ferand do beith aici, ocus arsena féin imm ar n-deilb, cid iar firinni bem." "Na cuirid fort-su sin," ar a muinter fri h Uilix " uair fogébam uili in t-olc sin." Is and sin immorru ro taescair in gàeth forro-som, ocus ro cuirit i falc mara moir immach doridisi, co ro bàtar bliadain ar in Mescmerugud sin, no co rancatar i n-oilén mor. Ocus fuaratar caerchu ollacha moraidbli ocus ro marbsatar tri caerchu dib. Ocus ro cuirit a pupaill tairsib ocus ro tarlait a teinti ocus ro hurlamaigit a cairig. Tri là ocus tri hoidchi d6ib and. Iar sin tra atbert Uilix : " Is mithig don immthecht " ar sé. "Ni c6ir a n-aprai," ar siat " uair atà ar ndàithan bid co bràth ina fil do chaerchaib sund." " Nocho dingén foraib," ar sé " cen dula d'iarrair ar n-atharda bunaid féin." " Ani atài d' iarrair," ar siat " tuitfimit-ni uili it lurg, amal ro fàcbait do muinter uili connici so." Is and sin tra ro fàcbatar in n-oilén ocus tancatar inna longaib doridisi, ocus ro bàtar bliadain ar in muir, co ràncatar oilén eli. Iar tiachtain d6ib tra isin oilén, dorala sliab oir doib inna medon. " Is maith in turchurtha so " ar a muinter fri h Uilix. " Ca fiss doib-si on ? " ar sé. "Nach leor fil do sétaib acaib asa Troi?" Ocus ro gabsat oc tinol in oir, noco faccatar in Cicroipecda cuccu. Ocus ni ro fiarfaig scéla dib, acht amal ro bàtar and, tànic foithib. In bail i m-bid in cur no in cathmilid, ro iadad a lama impu, co ro bruid ocus co ro minaiged a cnama ocus a feoil. Iar marbad sochaidi dib tra do tuargaib nonbur leis dib etir a di làim imm Uilix macc Leirtis. 0 ro rathaig tra Uilix in fer fiamach firgIicc beith oc a breith i forécin, ro éla etir uillib a muintire sis dochum làir, ocus ro fuccad a muinter uad. Is and sin tra tànic Uilix dochum 'na long ocus ro innis 'na scéla sin don nonbur ro boi isna longaib.. Ocus do ràidetar a muinter fris: " Cuirern tuilled innar longaib do, sétaib ocus glùaisem rornuinn!" Ni ba fir sin," ar Uilix " no Co findar cindas ruccad mo muinter uaim, ocus is truag tind liumm ,a in-breith uaim." Cid truag sin," ar siat " na habair, uair is cert a miad linn do beith-siu etrainn." Is and sin tànic Uilix d' iarrair ind fir moir, co riacht co dorus'na huamad. Atchondairc-sium'na gnuisi aigedbàna ettlaidi a muintire isin uamaid oc a déicsin immach. " A àes cummtha," ar sé " is m6r in gàbad sin i fuilti." " At fir," or siat "ocus rotbia féin ass." " Ni ba fir on," ar sé " combarala dam ocus dond aithech. " " Inneo ? " ar siat. " Ca haccmaing fil acat do cur fris ? Ni fil do géri do slege na do daingni do lama ni frissa roissed fo grainne do slege cnàim inna churp." " In fobairthisi éirgi tairis aniar ? " ar sé. " Trùag àm sin, "ar siat "atàit tricosschéimenn cach fir uainn etir a di chich." Ca fiss doib-si," ar sé " in barbardacht fil inna churp nach fil trumma as dingbàla di inna churp inna chotlud ? Eirgid tairis aniar," ar sé "ocus tocbaid bar n-anàla i n-uàchtur bar cléib do bar n-étrummugud tairis." Ro éirgetar-sum ocus tàncatar tairis immach. Ocus ro bàtar tri cosschéimenn cach àenfir dib etir a di' chich oc immthecht tairis. " Dénurn immthecht budesta ! " ar siat. " Ni ba fir on," ar Uilix "combarala dam-sa ocus dond aithech." Tànic dia indsaigi, ocus in t-àensuil m6r ro boi i tulportaib a étain, ro chuir fograinne 'na slege etir in dà abra, ocus tuccustar sàthad ar in sleig isin suil, cor bo monar do a immditin ar in 1och lethanmor lindusci ro memaid esti. Cid tra acht ro chraith in sliab ocus ro gair in ùama risin n-esarchosairt doroine in fer ruadremur romor dia chossaib ocus dia làmaib ac iarrair indi dorat in n-ainécin fair. Ocus tàncatar inna luing asa aithli sin. Airmithir fer do muintir Uilix do dul ar dremni ocus ar déaithi, corob é in fer sin dorala do Aenias macc Anaichis dia m-boi for loingis. Bliadain tra do Uilix ar muir iar tiachtain assin oilén sin, ocus nonbur dia muintir, is ed rànic immslàn leis co tir do neoch nach fùair bàs tria galraib anaichnib. Tànic iarom Uilix i tir, co tarlatar maicc ingaire do oc a n-almaib. Ba roglicc tra in fer sin, ba fer fiamach firgàeth ocus ba coitchennbérla, ùair ro foglaimthea leis bérla cacha tire i téiged, ocus ro fiarfaiged scéla tresin m-bérla ro fogain doib. Ocus is ed fùair acco, corbo é Brethem'na Firinne ro boaireisin crich sin. "Ca firinne fognas do ? " ar Uilix. " Cach duine dogni a foglaimm aici ro soich a du'thaig fo chétoir " ar fat-som. "Cid dam-sa," ar Uilix " nach dingninn m' foglaimm aici? Ni fuil a accmaing acat," ar in frisnésid" "ùair ni fàgbaither aiccept in àenlàe cen deich n-uingi fichet do dergor do. Ocus tù-sa," bar fat-som " corsa coich thù ?" " Do é!oithchib 'na Troianda dam-sa " ar sé. Ocus tànic ùadib ar ammus a luinge, ocus ro fiarfaigetar a muinter scéla de. Ocus ro innis doib feib atchùala ocus ro. boi ac a ràda friu foglaimm do dénurn. Ocus is ed ro ràidset, nach roibi a thoisc accu a dénum: " ùair ro thuitsetar ar fuilt ocus ro theimligetar ar ruisc ocus ro dorchaidsetar ar n-gnùisi ocus ro buidetar ar n-déta, ocus ni bud oirches diùn ar n-or na ar n-indmas do thabairt ar foglaimm nach tuillfed dùn do dénum." " Ca ferr doib," ar Uilix " a fàcbàil ar bernadaib bàegail no ar doirsib aideda 'nas a thabairt ar foglaimm tuillfes doib bodéin?" Is and sin tra tàncatar rompo isin dùnad, ocus dorala doib fer in baili forsin faithchi, ocus ro fiarfaig scéla dib. Ocus ro innsetar do cach dochair fùaratar ocus ro fiarfaig dib crét 'ma tàncatar. " Tàncamar do foglaimm acat-su." " Fogébthai-si sin acht corab accmaing a dénma acaib.' 'Cahaccmaing etir on ?" ar siat. " Ni tabraim-sea aiccept àenlàe cen deich n-uingi fichet do dergor dam." " Fogébam duit-si sin " ar siat. Ro ferad fàilti friu ocus tuccad Cotalthech fo leith doib ocus tuccad tra airigthi bid ocus lenna doib inn, ocus dorinned folcad ocus fothracad doib. Ocus deisitar and in n-oidchi sin. Ro éirgetar co moch iarnamàrach cosin n-inad i roibi Brethem 'na Firinne. Ro toimsit deich n-uingi fichet do dergor do ocus dorinnesium aiccept doib-sim. Is é seo tra in t-aiccept: "Cemad àenathair ocus àenmàthair do beith acaib bar nonbur, ocus cemad àenduine ro marbad bar n-athair ocus bar mathair, ocus. a tachar i cenn comairle acaib cen a marbad-sin lib, noco n-derntai tri comairli lib uime, ocus noco n-airchenn bar m-beith uili d' àeneolus tri bithu. Ocus cid àenduine acaib tecmas, araide na maidid in t-echt, noco n-gaba fo thri ar a anàil ocus co n-dérna comairli a menman budéin. Mad ed dono dobéra a rnenma asa comairli, maidid in t-echt iar sin." "Abair beos!"ar siat. "Ni buithi indiu acht sin" ar sé. Tàncatar dia tig iar sin. " Is or i n-aiscid sùt " ar a muinter fri hUilix. Ro bàtar and in n-oidchi sin, ocus cerbo maith a frithailem in cétoidchi, rob ferr in n-oidchi sin. Ro éirgetar co rnoch iarna màrach ocus tàncatar co tech n-aiccepta. Ro toimsit deich n-uingi fichet d'or do, ocus is ed asbertsum: " In t-slige a n-immthigid cach laei, na lenaid frithrot no fritlichassàn, acht lenaid in sligid moir." Abair iar sin " ar siat-som. " Ni buithi indiu d' ioglaimm acht sin " ar sé. Tàncatar dia tig iar sin. " Is or dimain siut " ar a muinter fri hUilix. " Ni fess nach fuigbithi a gréimm " ar Uilix. Ocus cer maith a frithailem in dà cétoidchi, rob ferr in tresoidchi. Ro éirgetar co moch iarna màrach ocus tàncatar inna tech n-aiccepta. Ocus ro toimsit deich n-uingi fichet do derg6r, ocus is ed atbert-som: "In fai ccthi in gréin in trath sa? "Atchiamait" ar siat-som. " Na glùaisid nech acaib asa àit na asa adbaid, cé do beith do méit a thindenais, noco raib in grian isin aird inna fil in trath sa." " Abair iar sin" ar siat. " Ni buithi d' foglaimm don chùairt-sea acht sin" ar sé. "Ocus na himmthigid-si immàrach noco n-aicilliur-sa sib " ar sé. Tàncatar dia tig iar sin ocus do éirgetar co moch iarna màrach ocus tàncatar ar in faithchi immach. Ocus dorala in t-oclaech doib ar in faithchi ocus ro thimmain celebrad do ocus ro fàcbatar bendachtain acca." "Beir lat"ar in Brethem "in cilfing m-bicc-sea do timmna, ocus dia fùaslaicthe tù uirriseo,nocho ris do dùthaig co bràth aridisi." "Is becc in Iùag linni sin iar rochtain ar tire." Ocus ro thinchoisc eolus doib cen muir dochum a tire. Ro immthigset iar sin, ocus in fat ro bàtar ar sligid, ni hed airmithir sund. Acht ràncatar coicrich moir, octis tech n-àiged coitchenn isin choicrich sin. Ocus tàncatar-som and amal cach n-àen. Doriacht as cach aird sochaidi mora isa tech sin. larfaigis cach dib dia chéli : " Cia leth rachaid-si irnmàrach ? " " Tiagmait isin choicrich " ar siat. Cid tra acht ro éirgetar in lin ro bàtar isin tig àiged. Tàncatar ar gort on tig immach. Uilix tra is ed atbert side- " ls olc dochùatar mo deich n-uingi fichet d'or ùaim-seo cen anad co n-éir in grian isin n-aird atubrad frind." Is and sin ro suid-sium. " Crét sin ? " ar a muinter fris. " Anfat acum foglaimm " ar Uilix. " Ani atài d' iarrair," ar siat " ar tuitim- ni uili it lurg amal ro thuitset foirend 'na cethri long fichet ro thuitset ar Troi it lurg, tuitfimit-ni in n-indas cétna it lurg." " In anad dognithi-si ?" ar fer don chuitechta. " Is ed " ar siat-som. " In eolach sib-si isin choicrich ? " "Ni heolach" ar gosiat-som. "Nach faiccthi-si in gort ocus in sligid?" "Atchiamait-ni " ar siat. " Indsaigid sin," ar sé " ocus dia roisti tairis sin, ro soisti immslàn bar tir." Ro immthigset in chuitechta iar sin ocus ro an Uilix cona muintir no cur éirig in grian isin aird atubrad fris. "Is é siut " ar siat "tossach 'na cuitechta ar in sligid, ocus dia m-bemis-ni and sùt astrasta, ro soismis immslàn." "Dar lium-sa tra," ar Uilix "ni dib-si in buiden-sa i timmchell in guirt immaig ocus ni dib in sired so don Leith eli." Ocus ro chonncatar fo chétoir ac sceinm fon cuitechta fat, co nàr faccsat duine inna bethaid dib. "In faiccthi siut?"ar Uilix. "Atchiamait" ar siat. " Is maith gréimm ar n-deich n-uingi fichet d' or doib ; ocus immthigmit-ni bodesta," ol sé " ùair scàilfit siut a haithli in àthais." Tàncatar iar sin rompo isin, sligid, co riachtatar in coicrich ocus tàncatar i n-dithrub mor. Ocus nir lensat cài na conair don primsligid immach. Acht chena tàncatar dias dia muintir ar frithchassan immacli ocus fùaratar a n-oidid fo chétoir. Cid tra acht tàncatar connicci a n-dùnad bodéin in morseiser ro bàtar, ocus tàncatar isin cotaltech i roibi in rigan. Ocus atchonncatar hi i cathair moir for fossadlàr in tige, ocus àenoclàech rob ferr delb do làechaib in domain ar a gùalainn. " Ro raidis frib siut " ar Uilix. " Is écin a fùlung sin " ar siat. "A dàine rnaithi ùt tair," ar in rigan i. Peneloipi a hainmm, " cia sib-si etir ? " " Dàine mes cda muiridi sinni" ar siat. " Irnmthigid " ar si' " isa tech n-oiged." Ro frithailed in n-oidchi sin fat, co ràncatar inna n-imdaid. " In fetabair-si ani rob àil limm-sa ? " ar Uilix. " Ni fetamar " ar siat. " Uaim élaid ro boi acum-sa assin cathraig immach fon talmain, ocus is and atà indara dorus di ac in cathraig thall, ocus comla iata fris, ocus in dorus ele ar in faithchi immaig, ocus lathar leccchloiche fair. Ocus is ed is ùil dam-sa, dul tresin n-dorus n-immechtrach ar fut 'na hùama innunn, noco riis in n-imdaid, ocus in bail im-biat i n-aeninad ar in adart in cloideb do gabàil forro a n-dis." " Is olc in comairle sin," ar siat " acht is cora duit dul ar ammus rig Gréc ocus t' imned d' écàine fris, ocus amal dochùadais-siu inna sochraiti-sium ticced-som it sochraiti-siu do chosnam t' atharda dùithchi duit-siu." " Ni ro lécet dono 'na déi adartha sin! " ar Uilix. Ro boi tra aithber immaithber oc a muintir fair-sium. " Do thuitemar uili it lurg amal sin " ar siat. Is .and sin trà ro éirig-sium ùaithib d' indsaigi 'na cathrach innunn, noco rànic in n-imdaid ocus atchùala comràd 'na déise for in adart. Ocus ro nocht a chloideb fo chétoir ocus tùargaib in làim. "Is olc gréimm m' foglamma dam," ar sé "cen gabàil ar m' aicned tùs co n-gabainn ar m' anàil." Tùargaib in làim fo thri co m-benad d'éiss a chloidib fria muinél 'na déisi. In tres fecht tùargaib in làim ocus rob àil leis in t-echt do maidim, is and sin ro raid in rigan: "Uch, uch, a maicc! " ar si "dotàrias dam t' athair-siu os ar cind ocus ro boi i calmaisi ar cenn do bein dinn. Indar leis rob fer càemfuar coimmtech tù-su. Tuingim-sea fom déib adartha," ar si " nach fetar-sa cin, o fir eli o ro immthig-sium i sochraite Gréc, ocus torrach ro fàcaib misi in tan ro immthig, ocus is tù-su ruccad don toirrches sin. Ocus ni ro léicius-sa corp fir eli i n-àenlepaid rium, acht a fùil-sium ocus m' fùil-sea oc coimét a einig-sium. " 0'tchùala tra Uilix in comràd sin, ro fàiltnig a aicned. fris. Ro éirig si iar sin ocus ro chàiestar frassa diana dér, ocus ro boi-sium ac éitsecht fria, cur thuit a chotlad fair, noco tàinic dered oidchi Ro éirig iar sin ocus ro bo méla mor leisin in cotlad sin. Tàinic reme immach ocus ro laig etir a muintir ocus ro indis scéla doib. Ocus ruccastar atlugud buidi do na déib inni sin, Ro éirgetar iarna màrach ocus tàncatar isa tech cétna. " A dàine maithi," ar in rigan " càrsat cia doib-si etir ? " ol si, " Uilix macc Leirtis misi " ar sé. " Ni tù in t-Uilix rob aichnid dùin-ni " ar si. " Is mé co deimin ! " ar sé. " Ocus indésat mo chomartha duit " ar sé. Ocus dochùaid inna rùinib ocus inna coinràitib ocus inna der-ritib iar sin. "Caide do delb no do muinter," ar si " masa tù Uilix ? " " Do chùatar i mugu " ar sé. " Crét fo derid dot chomarthaib ro fàcbais acum-sa ? " ar si. " Delg oir," ar sé " ocus cend airgit fair; ocus ruccus-sa do delg-su liumm ac dula dam isin luing, ocus is and sin ro immpo'issiu ùainn," ar Uilix. " Is fir tra sin," ar si "ocus dia m-bad tù Uilix, do fiarfocha do choin." "Nir sàilius a marthain etir " ar sé. " Dor6nad brochàn àise di acum-sa," ar si " ùair do rathaigius a gràd co mor ac Uilix. Ocus cia halt con etir in chù sin ? " ar si. " Dà thàeb glégela aice ocus druimm gelchorcra ocus tarr cirdub ocus erboll ùainecda " ar Uilix. "Is i tùarascbàil'na con sin,"ar si " ocus dono ni làmann duine isin baile a cuit do thabairt di, acht misi ocus tù-su ocus in rechtaire." " Tabar in chù istech! " ar sé. Ocus ro éirgetar cethrar ar a cenn ocus tuccsat leo istech bi. Ocus amal àm atchùala si fogur gotha Uilix, tucc builli ar in slabraid, cur chuir in cethrar inna laigi ar fut in tige inna degaid, cur ling i n-ucht Uilix, ocus co ro lig a gnùis,ocusaaigid. 0'tchonncatar muinter Uilix sin, ro lingset cuci. In duine dib nach roiched a chness, ro phocad do phocaib a étach. Ocus nir glùais a ben fris-sin. " Is tù Uilix " ar si. " Is mé ". ar sé. " Is imrnda lucht 'na cumachta " ol si " ocus taiscfet-sa rn' àentuma, co ti do delb duit-si." Sechtmain do and in tan tucc si aichni for a deilb. Ocus ro àentaigset iar sin. "Atà cilfing becc acam " ar Uilix, "tucc m'oite dam ocus adubairt frimm cen foslucud furri noco tuccainn duit-si hi." Ro foslaicset furri fo chétoir. Deich n-uingi ocus ceithri fichet tuccastar-som ar in fo glaimm, is ed ro boi innti, ocus tinne oir ar a huachtar do choimét a firinne fair. Conid é merugud Uilix maicc Leirtis o thùs co derid co sin.

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