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Editions CARÂCARA

 

CAHIERS
cahier bleu-gris
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SOMMAIRE


Cahier bleu-gris (livre I)

 

Préambule

Ce traité vise une représentation simplifiée des faits littéraires afin de mettre à jour les articulations de l'ensemble. Les preuves sont moins dans les documents que dans la cohérence et l'enchaînement entrevus. C'est à une progression que l'on est convié. Cette dernière va de l'établissement de repères à la déduction de mouvements possibles, grâce à une méthode constante qui est de renvoyer toujours l'étude à un plan, lequel est un prodigieux révélateur de ces phénomènes par essence idéaux.

Certes, nous sommes dans la même position que ces premiers cartographes grecs qui tentaient de donner une forme aux côtes terrestres et une place aux différents continents. Notre effort de représentation a le même aspect approximatif et candide. Ce n'est pas encore une géographmême si l'usage -restreint et allusif d'une certaine géométrie s'y aperçoit, celle qui émane des travaux de R. Thom. Il y aurait mieux à faire avec de tels instruments conceptuels, nous ne l'ignorons pas, mais notre démarche reste pour l'heure bien unique.

Le but poursuivi : construire une représentation théorique suffisante pour être vraisemblable et surtout pour suggérer l'existence de faits mal délimités jusque là ou mal corrélés.

Trop de théories à ce sujet ont peu ou prou de recul spatial et temporel, qu'elles soient ethnocentriques (aire de culture paneuropéenne) ou polarisées par les temps modernes. Or, c'est ainsi faire fi de bien des formes littéraires qui, pourtant, ont droit de séjour. Comme arrière-plan, il nous est souvent venu à l'esprit ce qui s'était produit au Moyen-Age ou dans la littérature sanskrite, à titre de contre-épreuve à des évidences après tout discutables.

Enfin, ce traité n'a de valeur que s'il suscite l'idée que la littérature présente dans ses manifestations de quoi l'apparenter à une phénoménologie de la réalité. Si tel est le cas, cela revient à dire que la littérature, à sa façon, pose l'existence d'une réalité extérieure dont elle traduit mouvements et hésitations.

 

TRAITE de LITTERATURE

 

- Livre I - (Modèle)

1.1.1.La littérature suppose une activité (plus qu'une bibliothèque), dont la diversité déjoue la compréhension, à moins que son activité ne ressemble à d'autres activités. Nous la décrirons pour cette raison comme un lieu où des dynamismes s'affrontent et où se développent, selon des règles simples, des formes incessantes. Notre problématique est donc : en quoi la littérature souscrit à une objectivité et non à une autoréférence?

1.1.2. Elle se présente principalement sous 3 aspects:

- un ensemble de textes à fond mythique (M);

- un ensemble à vocation précisée (V);

- un ensemble d'expressivité pure (E).

Ces 3 ensembles se partagent le champ littéraire.

1.1.3 Ils l'orientent aussi. Le premier (M) est le plus ancien et semble surgir du tréfonds de l'imaginaire mythique. Il se compose de tout texte apparenté de près ou de loin à quelque attraction mythique. Le deuxième (V) renvoie le texte vers le langage dans son usage social ou réel, induit un engagement ou un but avoué. Le troisième (E) est l'affirmation d'une nouveauté extérieure, non représentée mythiquement ou formellement jusque là, comme peut l'être un témoignage. Son unicité est exemplaire.

1.1.4 Les formes que peuvent adopter ces trois ensembles sont multiples. Aucune d'elles n'est spécifique à un de ces ensembles. Elles appartiennent aux trois, sans que l'on puisse observer de préférence absolue (seulement des tendances ? ). On ne peut donc partir d'elles pour construire le champ littéraire.

1.2.1 Les trois ensembles de textes correspondent à trois directions ou moyens de fabriquer le champ littéraire.Entre ces trois axes, l'oeuve littéraire trouve sa place et s'inclut dans un des ensembles cités.

La première direction a une visée globale, elle s'inscrit dans un cadre imaginaire structuré et récurrent. Le problème posé est le nombre de mythes qu'elle peut avancer (est-il limité?) et la raison de leurs reprises (pourquoi un auteur réutilise-t-il l'un d'eux?).

La deuxième s'inscrit dans une volonté d'enracinement. Le modèle décrit est plongé dans les faits et veut atteindre un réel. Il y a volonté de superposer le champ littéraire au plan des choses, d'en donner une image ou de modifier le monde.

Le troisième est d'ordre local, niant toute identité antérieure, asymétrique quant à son essence; il projette un discours volontairement à l'écart, et s'impose comme tel. Nul ne lui ressemble totalement.

1.2.2. Trois images peuvent représenter ce phénomène et le rendent compréhensible.

- la première est celle d'un tourbillon attirant à soi de ses cercles concentriques. Mouvement centripète pour l'Ensemble M.

- la deuxième est celle de strates superposées et rabattues sur un même plan choisi. Mouvement de traversée et d'application pour l'ensemble V.

- la troisième est celle d'îlots jetés en dehors des grandes routes maritimes. Mouvement centrifuge pour l'ensemble E.

1.2.3 Si l'on donne à ces trois directions la même origine (c'est-à-dire un point initial d'où le "créateur" part), on obtient une représentation simplifiée et commode du champ littéraire, comme suit:

 

 

1.2.4 M et E sont deux pôles antinomiques; V rassemble certains aspects de M et E.

En filigrane, il faut imaginer M comme un tourbillon, V comme une série de strates, E...

2.1.1 Différentes valeurs peuvent être apposées sur ces axes par lesquelles la position d'une oeuvre sera déterminée : la valeur absolue (graduée par convention à 10) est inaccessible; l'oeuve y tend comme vers un point transfini, infinitisant l'écart mais l'affirmant aussi. Cela correspond à un centre absolu et à un seuil au-delà duquel le champ littéraire s'achève.

2.1.2 Pour M, la valeur 10 reviendrait à faire d'une oeuvre à fond mythique un texte sacré, religieux, intouchable, dotée d'une vertu éternelle, digne d'être psalmodié...etc. En ce sens, l'oeuve n'est plus littéraire mais d'essence religieuse, et connaît d'autres contraintes sur cet autre plan.

2.1.3 Pour V, la même valeur amène aussi l'oeuvre à changer de plan. Lorsqu'elle n'est que réelle, fonctionnelle, pratique à l'excès, l'oeuve devient un usage, un manuel, une illustration, c'est-à-dire, un traité. La polysémie y est plus réduite et un domaine précis est défini.

2.1.4 Enfin E, porté à sa limite, renvoie à une oeuvre tellement solipsiste tant par ses thèmes, son allure que son vocabulaire ou ses sujets, bâtie sur rien de préexistant que l'on peut à peine l'imaginer. Elle tient de l'hapax généralisé, ce qui nuit à la fonction littéraire de communiquer, et cela la fait basculer dans un autre plan plus proche de la folie, ou de l'inexistence littéraire, mais aussi proche d'un autre type de communication comme la musique.

2.2.1 Les autres valeurs sur ces trois axes peuvent se construire autour d'une articulation centrale (donc à mi-chemin, notée 5), qui coupe le champ littéraire de façon indiscutable : c'est le moment où le créateur découvre que son activité est gratuite, injustifiable, ne peut s'imposer que par un acte de foi en son oeuvre que rien ne certifie. Jusque là , il écrit grâce à des circonstances moyennes (psychologiques et matérielles) liées à l'existence de destinataires réels ou potentiels.

Cette valeur "5" est donc le passage d'un stade"inconscient à un stade "conscient".

2.2.2 La valeur "10" par rapport à la valeur "5" n'indique en rien une supériorité : l'oeuve approchant "10" peut être inférieure à l'oeuve jouxtant "5".

Aucune hiérarchie n'est ici en cause ; seul l'établissement d'un champ est visé, à savoir un espace fibré, permettant le repérage.

2.2.3 Lorsqu'écrire est une activité "inconsciente", c'est-à-dire que ne se pose pas la question du sens de l'écriture, deux pôles la caractérisent : l'un est culturel, l'autre biologique.

2.2.4 On peut écrire selon ce que l'on a appris à l'Ecole (érudition), ou par formation personnelle (autodidacte), en raison d'un savoir transmis que l'on poursuit, entretient, développe, etc. Valeur : 1

On peut écrire en fonction d'un goût social momentané, d'une atmosphère intellectuelle inclinant vers le traitement d'un certain thème, en vertu d'une mode liée à une classe sociale, classe d'âge...etc. Valeur : 2.

2.2.5. Mais l'écriture s'éloigne aussi de ces finalités immédiates. Des traces d'un instinct s'y décèlent ou plutôt les besoins biologiques investissent ce domaine (comme ils le font ailleurs) et ils sont doubles : besoin de jouer, besoin de marquer un territoire pour se reproduire. Le jeu littéraire (activité auto-référentielle, respectueuse de règles convenues) aura valeur 3.

Laisser un nom dans les Lettres, s'assurer une postérité, obtenir un fragment de célébrité, voilà qui renvoie au besoin de marquage. Valeur : 4.

2.3.1. Au stade où l'activité littéraire devient "consciente"(valeur 5), c'est-à-dire réfléchit à sa propre raison d'existence, apparaît alors une double attitude : soit l'écrivain "déguise" sa réflexion, en voile le malaise ou la violence ; soit il "avoue" sa méthode, son espérance, découvre les voies de son travail et de son inspiration.

2.3.2 Lorsqu'il y a "déguisement", l'écrivain se sert d'une image secrète et intime qui l'amène à poursuivre son oeuvre. Cette image peut être allégorisée. Elle est le plus souvent"analogie" à valeur heuristique essentielle, que nous notons 6.

En outre, si l'analogie a servi et si l'écrivain n'ose la renvoyer et en donner les limites, c'est à une"justification" idéologique que nous sommes conviés. L'écrivain déguise toujours son activité du charme de l'image, mais il s'explique par elle, et cela lui tient lieu de preuve suffisante. Valeur : 7.

2.3.3 Finalement, l'acte d'écrire mesuré à sa gratuité fondamentale, consciemment avoué comme tel, demeurerait en position de vertige stérile, s'il ne venait à s'accompagner de la découverte d'une quelconque nécessité (d'ordre logique, intuitif, irrationnel et religieux), d'un"enchaînement" serré constitutif d'un sens, d'une mise en ordre globale. Valeur : 8.

La révélation se poursuit alors par un regard porté sur l'extérieur, regard qui se veut plus qu'une interprétation du monde, car il se mesure à ce réel divers et confus, enfin saisi et canalisé. Il y a confrontation, comparaison, recherche d'une profonde "adéquation" entre le plan littéraire et le plan des choses (pour aussi vague que soit à terme, il convient ici comme duplication posée et entretenue). Valeur : 9.

3.1.1 Le graphe suivant donnera une vue d'ensemble

valeur 10 ---------> valeur 5 ----> inconscient -5a culturel (Ecole/ Mode)5b biologique (Jeu/ Marquage) -----> conscient - 5c déguisé (Analogie/Justification) 5d (Avoué (Enchaînement/ Adéquation)

3.1.2. Rappelons le schéma général de nos 3 axes selon 1.2.3.qu'il suffit de graduer de 0 à 10:

3.1.3 Prenons à titre d'exemple le tracé sur M qui part de 0 et va vers 10:

- Le mythe agit de façon inconsciente : il est véhiculé par la culture (scolaire et sociale) ; il répond à un besoin inné (jeu et marquage).

- Le mythe est conçu consciemment : il est recherché comme un mobile antérieur (analogie) et explicatif (justification), il est donc déguisement, habillage d'une problématique latent; il peut être mis en lumière, déclaré en tant que modèle devant être réécrit selon un enchaînement perçu par lui, et servir de grille d'analyse à une urgence humaine.

- au-delà, l'écriture cède le pas à un texte sacré, si près du mythe qu'il devient expression inséparable du contenu mythique (valeur 10).

3.1.4 Sur le tracé V, l'oeuve effectue une plongée vers une réalité au départ fuyante. Réalité vue par la tradition (scolaire, sociale), comme un jeu et l'occasion de la modifier, remplacée par une analogie pour être saisie, identifiée à une représentation imagée, conçue comme une séquence, décrite totalement.

Au-delà, l'oeuve n'est plus littéraire mais opératoire.

3.1.5 Sur le tracé E, l'oeuve s'aventure à vouloir s'emparer d'une première place (Ecole, concours, académies...), puis à instaurer un culte du moi face aux autres (dandysme, élégiasme...) ; elle se complaît dans les facettes du "jeu"insaisissable et perpétuel, elle dégage la part innée de pulsions intérieures qui infléchissent son existence et la fragilisent.

Devenue "consciente", l'oeuve vise des exemples, des modèles, instaure un sol nouveau et stable où demeurer (subjectivation aboutissant à une certitude) et dégage un sens à la vie.

Au-delà, l'oeuve découvre une vérité si personnelle que nul ne la partage, ou un mode d'expression si codée que cela n'appartient plus aux lettres mais à d'autres modes de communication non conceptuels (gestuel, musical, cryptogrammatique...).

3.2.1. Cet espace littéraire présenté comme un plan manque encore de repères à l'intérieur des trois axes d'autant plus nécessaires qu'une oeuvre peut se situer entre un axe mythique et un axe d'expressivité, ou encore entre ce dernier et l'axe de vocation, ou entre celui-là et l'axe mythique.

La forme circulaire choisie jusque là se justifie parce que nous voulons cerner l'ensemble, de façon simplifiée.

Sur cet espace circulaire, nous devons instaurer une dynamique fondée sur de seuils, ainsi que des tracés significatifs.

3.2.2 Un fibrage entre les trois axes est possible (chaque axe étant cette direction dont on a noté l'intensité) en posant théoriquement que les axes délimitent des régimes égaux entre eux. Actualisation et potentialisation sont égales. Un axe médian à 60° peut donc se tracer répartissant la zone d'influence maximale de chaque axe.

Pour convenir de cela, il faut rappeler que pour l'heure notre "plan" n'est qu'une surface de représentation stable mais nervurée.

Des circonstances (dont on ne peut rien dire maintenant) peuvent provoquer l'occultation historique d'un axe, une inégalité de champ brisant l'axe médian, le recouvrement partiel d'un champ par l'autre.

3.2.3 Deux axes submédians (à 30° de l'axe) prennent leur origine dans la répartition de l'énergie diffusée par l'axe.

La proximité de l'axe correspond à une zone où la substance et les formes individuées typiques d'un axe sont étroitement liées entre elles.Ces termes "substance", "forme", n'ont pas à être définis ici : il s'agit de montrer que "quelque chose" se perd par suite de l'éloignement d'un axe, à savoir une énergie et son apparence, l'une prisonnière de l'autre ou s'en délivrant à proportion d'un certain maintien d'existence. L'axe impose au créateur, sur le mode de l'évidence, de l'activité ritualisée et programmée (profondément ancrée dans la conscience), ses thèmes, ses schèmes et leurs traitements effectués, leurs apparitions formelles.

L'éloignement de l'axe (de 30° à 60°) opère une dissociation: il reste la substance mais la forme conventionnelle s'est estompée ; il reste la forme mais la substance n'est plus totalement là, elle devient fragments. Une grande variabilité s'observe, traduisant la perte d'attraction de l'axe. En revanche, l'on gagne en naissance de nouveaux concepts, d'assemblages différents, dénotant d'un travail de mise en valeur de phénomènes oubliés. Processus d'objectivation.

3.2.4 L'axe médian suppose des axes de potentiel équivalents. L'axe submédian est la limite entre une influence"compacte" de l'axe de base (M, E, V) et une influence"dissociée".

3.2.5 On observera de même l'opposition (deux à deux) des zones"substances et formes"( où substance et forme sont de même nature) et des zones "substance ou formes" (où substance et forme sont de nature différente car provenant de deux axes). Cela doit s'interpréter comme suit : ce qui s'oppose à la zone d'influence maximale d'un axe de base, n'est que l'addition de deux "formes" ou de deux "substances" ou d'une "substance" et d'une "forme" qui proviennent de deux axes différents. La zone a a' de M s'oppose à la zone ß' ß' de E et de V, où ß peut etre forme ou substance, et ß' de même.

Il en résulte que ces zones-là seront "défavorisées" par rapport à une zone où "substance" et "formes" sont conjointes, et n'opposeront qu'une résistance incomplète.

3.3.1 Placer une oeuvre sur cet espace général, c'est non seulement choisir son lieu d'élection et d'origine (M, V,E), c'est aussi la mettre en rapport avec les valeurs de 2 des 3 axes. L'erreur serait de croire qu'ainsi on obtient avant tout un "repérage". L'on peut imaginer avec effroi l'envie qui naîtrait de repérer toutes les uvres, de les classer, d'achever ce travail aussi fastidieux que vain.

Ce qui est envisagé ici est autre : à un moment donné, et pour des raisons que nous ignorons pour l'heure, l'oeuve littéraire peut être saisie à la conjonction de 2 forces (à savoir les 2 axes).

3.3.2 Les axes sont des forces ayant une direction. l'oeuve bénéficie de leurs énergies et se conçoit alors comme la résultante de ces forces. A un instant donné, elle atteint sa "vitesse" maximale après différentes progressions. Une certaine inertie existe venant du troisième axe auquel elle"tourne le dos".

Il s'ensuit qu'on ne dira point seulement qu'une oeuvre est par exemple à 7 (sur M) et 2 (sur E) mais qu'elle est d'un potentiel de 7 + 2 = 9. Si le 3ème axe n'existait pas, on pourrait poser que l'oeuve se meut dans un espace semblable au vide et que sa force est de 7 x 2 = 14.

Le dispositif est loin d'être gratuit. On ne peut prétendre qu'une oeuvre quelconque est purement mythique, purement expressive, etc. Elle est toujours un "mixte". C'est ce qui lui donne sa coloration, sa richesse, son intérêt.

Le chiffrage symbolique est commode car il différencie des potentiels en présence, sans que l'on puisse parler encore de conflits.

3.3.3 L'addition de ces forces fait alors apparaître un autre axe oblique, axe de distribution entre la zone où la somme est inférieure à 10 et celle où la somme excède 10.

Or, par convention première, nous avons institué que 10 était la limite du champ littéraire, et ce, afin de mieux l'appréhender. Dépasser sur l'axe 10, c'est sortir de ce champ.

Nous pourrions donc avancer que la zone excédant 10 par addition des valeurs, n'est plus littéraire mais ce serait sans tenir compte du fait que cette zone est maintenue à l'existence par la tension des axes de base selon un arc de cercle délimitant réellement la fin du champ littéraire.

3.3.4 Cette zone excédant 10 par addition n'en demeure pas moins étrange car l'oeuvre y est dans une situation anormale, certainement momentanée, à la limite d'un système et cherchant donc à s'excrire de cette zone pour regagner un lieu plus équilibré. Les contradictions y sont trop nombreuses pour que l'oeuve n'éclate pas. Le risque de destruction est manifeste. Les valeurs pourraient s'annuler respectivement au lieu de s'additionner. Ce sont une période et une zone où l'oeuvre se crée dans l'esprit et le tourment de son créateur.

3.3.5 Un point limite concentrant ces précédentes remarques est à noter. C'est celui qui est à la conjonction du 5 des deux axes (5,5). Mais il est aussi situé sur l'axe médian dans cette zone où chaque régime n'impose qu'une forme ou une substance et non les deux. Enfin, il est traversé par l'axe oblique marquant la limite entre zone<10 et zone>10.

C'est donc un "triple seuil" qui apparaît là :

- seuil de l'acte inconscient à l'acte conscient ;

- " de substances ou de formes venant de 2 sources différentes (se rencontrant tout au long de l'axe médian) et s'imposant en ce point à la conscience ;

- seuil entre une zone < 10 et une zone > 10.

3.4.1 Nous adopterons pour une représentation graphique non plus les coordonnées polaires (cercle de 360° divisée en 3 parties) mais les coordonnées cartésiennes (abscisses et ordonnées) par commodité. De même, représentons seulement deux axes. Le résultat est identique de toute façon.

 

3.4.2 Il ressort clairement de cette figure l'existence de 5 zones différentes dont voici la description:

- la zone 1a/b dont la limite est le 5 des 2 axes (cette zone est de grande stabilité ; l'oeuve opte pour un certain équilibre entre les régimes) ; la zone 1 c/d marque une dénivellation plus nette mais l'on peut supposer que la double appartenance est moins conflictuelle que complémentaire d'autant qu'elle n'est pas perçue ni analysée.

- la zone 2, elle aussi < 10, tend vers 10 si bien qu'elle est < 10 parce qu'elle mesure l'existence de deux régimes en compétitions et tend à les faire coexister de façon consciente. Mais la zone est profondément instable,partagée entre plusieurs choix (revenir en 1, plonger en 2, sombrer en 4 ou 5) puisqu'il manque peu de valeurs chaque fois pour changer de zone.

- la zone 4 est > 10 où chaque valeur de l'un et l'autre régime en majorité dépasse 5, c'est-à-dire qu'elle est marquée par une claire conscience du conflit en cours. Une volonté d'accaparement de l'un sur l'autre s'observe mais ne serait possible que si une valeur devenait le double de l'autre valeur, ce qui n'est jamais le cas. La zone est donc instable.

- la zone 5 > 10 inscrit la réalisation de l'accaparement : chaque valeur est au moins le double de l'autre, sinon plus. Zone stabilisée.

Les zones 3 et 4 sont donc les seules zones instables de la figure. Les autres, soit concilient les 2 tendances (zone 1), soit effectuent un choix (zone 2), soit se développent par l'un au détriment de l'autre (zone 5).

3.4.3 Des rapports différents sont alors en cause. l'oeuve entretient ces rapports suivants à l'intérieur d'elle-même:

- dans la zone 1, il y a "coïncida oppositorum", et ce, de façon intuitive ; (pensons aux Panégyriques) ;

- dans la zone 2, il y a un rapport d'exclusion, fait de refus et d'exigences (pensons aux "Arts poétiques") ;

- dans la zone 5, une dialectique s'installe où l'on se pose en s'opposant, où l'un s'actualise en potentialisant l'autre (pensons aux "Manifestes").

3.4.4 Quant aux zones instables 3 et 4, l'oeuve (peut-être en train de se faire) est faite d'antinomies inconciliables, ne pouvant s'imposer et variant selon une alternance (certainement créatrice). L'oscillation entre 3 et 4 doit correspondre à une hésitation fondamentale : l'oeuve risque de se détruire au-delà de 10, de perdre cohérence ou d'être marginalisée, d'être détruite.

3.4.5 En se plaçant en 5-5, (ou en zone 3), l'on peut établir l'existence de 6 tracés (3 et 3 tracés symétriques) où s'engouffre l'oeuve:

- aller en zone 2 (rapports d'exclusion) ;

- aller en zone 5 (dialectique) ;

- disparaître en 4 (antinomies auto-destructrices) ;

l'oeuve peut aussi sauter d'un régime en un autre vu la confusion qui règne et le rapprochement des valeurs sur l'axe médian.

Toute création est certainement à rechercher dans de tels déplacements hasardeux, et à concevoir aussi comme un déroulement continu (de la zone 1 aux zones 2 et 3). Les deux aspects co-existent : soit l'oeuve vient d'une position centrale instable, et en résout la crise, soit elle part de l'origine d'un axe et en développe continûment la teneur.

Outre les uvres "inconscientes" et "conscientes", il faut poser comme autre différence, les "uvres d'une crise" et "celles d'une persévérance".

On dévoile ainsi le "tourment" et le "travail" créateurs dont maintes traces demeurent en l'oeuve et en intimité.

4.1.1 Une fois l'oeuvre née, elle n'appartient plus à son auteur ni à son lieu de naissance. Le destin de l'oeuve s'ouvre alors. "Habent sua fata libelli" (Terentianus Maurus: De Litteris...)

Elle ne saurait demeurer secrète et vise la publicité. Son avenir n'est plus entre les mains de son créateur "Non erit emisso reditus tibi". (Horace: Epitres I - XX- 6 )

Née de la tension entre deux axes, elle possède une énergie dont la teneur a été dite, et qu'il faut libérer.

Semblable à la flèche d'un arc et d'une corde tendus, elle viendra à se mouvoir. Semblable à la flèche qui, pour s'élancer, doit d'abord reculer (selon l'observation héraclitéenne), l'oeuve a occulté un des trois axes : il a été repoussé, rendu absent ; maintenant il s'étale au-devant, figure l'espace possible à traverser.

4.1.2 Aucune oeuvre ne naît des trois axes simultanément parce que chacun d'eux est en compétition et que leur présence simultanée empêche toute cristallisation d'une énergie mais conduit à une dissipation généralisée, à une circulation incessante. En immobilisant l'un, le créateur obtient du conflit entre les deux autres, une concentration, une agglutination.

Imaginons une substance partagée entre un devenir liquide, gazeux et solide à égalité. Aucun objet réel ne pourra en sortir si ces trois derniers perdurent. En revanche, le conflit de deux devenirs (et la potentialisation du troisième) donnera par exemple :

liquide - solide : élastique.

gazeux - solide : bulle, ballon.

liquide - gazeux : eau pétillante.

4.1.3 La compétition entre les trois axes est :

- d'ordre formel : l'un est un tourbillon (M) ; l'autre un chapelet d'îles (E), le dernier une série de strates (V) ;

- d'ordre logique (établissement de relations) : chacun d'eux est l'antithèse de l'autre au sens qu'il permet de le mettre en valeur et de l'éclairer.

Aussi, si M vaut pour l'universel, V tend vers le vrai et E vers l'unique. Mais V n'existerait pas sans M (une vérité peut-elle ne pas être universelle?) et E sans V(l'unique n'est-il pas absolu de vérité?) Et ainsi de suite.

4.1.4 C'est pourquoi l'oeuve naissant d'une tension dont les axes sont les agents, après avoir occulté le troisième terme, le fait (ré)apparaître comme horizon de son effort,comme but de son projet, comma la cible face à l'énergie emmagasinée.
L'axe caché, enfoui, réapparaît, lorsque l'oeuve est achevée et se projette dans le monde.

Les deux facteurs sont devenus "moyens"; le troisième est le but.

A utiliser M et V (pour leur universalité et leur vérité), l'on obtient l'exemplarité, l'inatteint jusque là (à savoir l'unique de E).
A utiliser E et V ("unique" et "vrai"), l'oeuve peut songer à être rendue universelle (M).
A utiliser E et M ("unique" et "universel"), l'on peut espérer avoir touché au vrai (V).

A l'arc tendu correspond la cible. Nécessité de valeurs antithétiques.

4.2.1 L'oeuvre entre dans la phase de sa diffusion. Il s'agit de désigner son trajet mondain.

Une métamorphose a eu lieu: l'oeuvre n'est plus ce travail ou ce conflit créateurs, elle est devenue une énergie animée d'un désir. Son rêve est une célébrité, une notoriété, une reconnaissance immédiate, future ou éternelle.

Cette célébrité fuit, ne se laisse pas prendre forcément au premier coup.

Pour délimiter l'approche, nous dirons que la célébrité est la Proie, l'oeuve, le Prédateur. Le champ littéraire n'est plus le champ créatif, il est celui de la diffusion (indépendamment de toute contrainte réelle). Nous envisageons un parcours théorique à des fins purement conceptuelles.

4.2.2 L'oeuvre à partir de l'axe le plus proche, munie d'une énergie, désire atteindre le 3ème axe, et donc, telle la flèche, s'élance vers lui, dans le sens où il n'y a pas à rencontrer à nouveau le 2ème axe.
Elle parcourt d'abord le champ inhérent à son axe, dans une sorte d'euphorie satisfaite. Privilège de la nouveauté. Espace de valeurs identiques à celles développées dans l'oeuve. Unité.
Ensuite, elle approche l'axe submédian où elle rêve d'atteindre une célébrité fondée sur des valeurs plus tangibles, moins internes et aléatoires. Elle perçoit ce qu'elle voudrait être, elle s'aliène dans le désir.
A l'axe médian, axe de la dissociation des champs des axes (cf. 3.2.3), elle découvre les valeurs de l'autre bassin, et si son énergie est suffisante, elle réussit à les capter et à les faire lire en elle. Certes, ces valeurs y étaient peut-être au départ, mais il y a lieu de supposer que l'oeuve est reçue dans un sens moins impropre et originel que nouveau (une objectivation s'impose).
Enfin, la célébrité atteinte, à l'autre axe submédian, l'oeuvre bénéficie d'une nouvelle énergie liée à sa captation des valeurs de cet autre axe.

4.2.3 Dire que l'oeuvre est le Prédateur, et la Célébrité la Proie, c'est reprendre une analyse de R. Thom ( catastrophe de la Fronce). Deux seuils interviennent:

- une catastrophe de perception interne où le prédateur s'aliène dans sa proie tant il a faim; il est alors en position métastable, à potentiel élevé, tandis que la proie est dans une zone stable, très attractive.

- une catastrophe de capture où le prédateur s'est éveillé et a reconnu sa Proie, se différencie d'elle et s'élance pour la capturer. La proie tremble, fuit, est en position métastable, voire instable (quand elle est prête à être prise).

La célébrité, de même, semblable au public, est instable, distraite, incapable de se fixer : elle fuit donc, ne répond pas à l'attente de l'oeuve, et lui impose une distorsion (saut). Puis l'oeuve est métamorphosée, et d'une certaine façon créée, par les lectures qu'elle subit (comme le prédateur "se gonfle" de sa proie après ingestion).

4.2.4 Tout cela n'est qu'un trajet mondain "idéal" ne tenant pas compte du point de départ, de l'énergie acquise, des tracés possibles, de la traversée éventuelle de zones instables entre les deux régimes, de la perte d'énergie éventuelle et des gains possibles.

Il met en place l'idée que la "flèche" plutôt que de tomber ou de se briser, va au but. Il active le rôle du 3ème axe jusque-là forclos. l'oeuve se projette sur tout le champ littéraire qu'elle anime d'abord d'une tension (entre deux axes), ensuite d'une traversée avec échanges d'énergie.

4.3.1 Le champ littéraire, lorsqu'une dynamique s'y élabore, est donc à la fois le lieu où une oeuvre prend naissance grâce à une tension, et le lieu où cette même oeuvre se diffuse en poursuivant un but différent de ce qui la fait naître.

Mais là ne s'arrête pas le rôle du champ littéraire. L'oeuvre produit en lui deux autres excitations, correspondant à un cycle complet où elle revient à son point de départ.

Il est nécessaire que le champ retrouve sa stabilité originelle .

4.3.2 Une fois loeuvre devenue célèbre, c'est-à-dire bénéficiant d'un nouveau potentiel synonyme d'une certaine stabilité, l'énergie de l'oeuvre "irradie". On peut imaginer différents dispositifs visant à la capter, plusieurs bassins prêts à s'emparer de ses vertus, mais aussi de sa part, une telle attraction qu'elle empêche toute autre oeuvre de naître, une occupation du lieu faisant obstacle. Le champ littéraire est alors activé, d'un nouveau tiers de cercle, que l'oeuvre va parcourir, fragmentée en plusieurs sources ou démembrée (pour la traverser) jusqu'au voisinage de l'axe suivant. C'est la période où l'Oeuvre est traduite, imitée, reprise, influence et se dénature. Période des répercussions d'une création devenue célèbre. D'autres oeuvres se constitueront tant de la tension entre les deux axes que de l'énergie ainsi rencontrée.
Nous n'aurons donc pas un trajet mondain mais plusieurs au travers de différents "pièges" et "chutes" (obstacle surmonté) si bien que l'image d'un crible est convenante pour illustrer cet état de fait.
Nous optons pour "criblage" pour définir cette zone. Seuls certains aspects de l'oeuve sont retenus.
Cet espace de criblage est le plus peuplé, voire foisonnant. Sa dynamique est donc capitale .
A noter enfin que l'axe atteint est alors réactivé. Lors du conflit créatif, il avait été plus ou moins potentialisé et avait donné de son énergie. Le voici "rechargé" des multiples arrivées de l'énergie "émiettée" de l'oeuve et des énergies des uvres induites.
Nous verrons à quoi cela correspond ultérieurement.

4.3.3 Une fois l'apport de l'oeuve réparti entre mille et un aspects, il faut poser que l'oeuve revient de façon diffuse à son point de départ, à moins qu'un dispositif de convergence ne vienne à rassembler son énergie éclatée et à lui redonner un nouveau trajet mondain.
La dissipation (ou dilution) peut être conçue comme un processus frappant l'ensemble de l'axe, sur toutes ces valeurs, à savoir un balayage régulier (subjectivable en hommage) d'une énergie dégradée. L'oeuvre prend place au milieu des milliers d'uvres que porte l'axe en sa substance. Elle perd son individuation.
Soit le processus s'inverse et par une convergence, l'oeuvre se restructure et anime le champ littéraire d'une tension soudaine, qu'il faut à nouveau résoudre.

Lieu des compositions et décompositions, lieu des fins dernières et des fins ultimes (si "dernier" signifie"arrêt" et "ultime", "infini"). Ce lieu est fondamentalement "eschatologique".

4.3.4 Ainsi le champ littéraire est-il au départ une surface vide, à peine différencié, que l'oeuvre active et diversifie en quatre périodes ou états.

L'analogie avec la lumière peut aider à comprendre ce propos. La lumière, à la fois onde et particules (conflit premier), a besoin d'un obstacle pour étinceler (cible et célébrité), puis sa réflection se diffracte sur divers corps (formation d'autres uvres), enfin, elle se dégrade en chaleur (dilution) ou se refocalise grâce à une lentille (réactivation).

Un cycle s'achève, constitué comme suit:
- tension : création
- diffusion : trajet mondain
- criblage : influences
- eschatologie : finalités

A noter que la critique littéraire s'applique à l'étude de ces quatre états, et varie ainsi ses domaines d'exploration.

Enfin, ce cycle ne signifie pas répétition, échange, combinaison, il traduit la perpétuelle transformation du champ littéraire et les passages obligés de l'oeuve comme autant de conversions de formes.

4.3.5 Circuit de l'oeuvre spécifiant le champ littéraire

 

Tension---->Diffusion--->Criblage--->Eschatologie

5.1.1 L'imposition de 3 axes trouve maintenant sa confirmation. Il est possible de voir comment l'un présuppose l'autre, et comment l'oeuve met en évidence leurs relations antithétiques.
Si le nombre du termes reste constant (3), les relations qui les unissent entre eux se complexifient selon un processus d'enrichissement.
Cela rend d'autant leur existence nécessaire.

5.1.2 Posons la tension entre deux axes préexistant et irréductible à une analyse (en fait, une instance première peut être avancée de l'ordre des structures anthropologiques de l'imaginaire, qui fondent des plans incompatibles et conflictuels , mais de fait, excédant le domaine du littéraire).
Si A l'emporte sur B, cela signifie que B en livrant son essence à A, a renforcé l'existence de A.
Cela signifie aussi que B s'efface, se potentialise, voire disparaît, et ainsi naît un état négatif de B ou - B échappant au contrôle de A.

-B est la première apparition de quelque chose de différent de A et de B comme la négation d'un concept n'est pas le symétrique négatif parfait de ce même concept (le"non-blanc" est aussi bien le taché que le gris, le jauni, le terne...). C'est en fait la première activation latente du troisième axe (C). Au fur et à mesure que B se videra de ses valeurs, C s'affirmera comme le répondant de survie de B dont il accepte la progressive absence (-B). C est déjà là mais il naît aussi à ce moment en tant qu'axe actif.

5.1.3 Deux exemples : posons l'opposition des couleurs"noir"/"blanc".

Si l'on dit que le "blanc" n'est pas une couleur, mais toutes les couleurs ou aucune, le "noir" renforce sa position de "couleur".
Ce qui n'est pas blanc (le "non-blanc"), c'est-à-dire ce qui n'est pas toutes les couleurs ni une seule, c'est alors le taché, ..., le terne, le diffus.

Soutenons que l'oeuvre de Proust naît de la tension entre un désir d'être réaliste (V) et une autobiographie (E) faite de souvenirs personnels. Tension bien résumée dans la première phrase: "Longtemps je me suis couché de bonne heure..."

La part de E l'emporte sur V qui se défait (l'objectivité du réel se soumet à la vision personnelle de l'auteur liée à tel ou tel âge) mais V aussi se réélabore comme un "non-réel" d'essence supérieure et peu à peu se mythise (M) : Proust songe à Noé, à Sodome, à une rédemption par l'art...

5.2.1 De même, lorsque l'oeuve passe du stade créatif au stade de la diffusion, il faut dire que A à son tour se livre à C (activé et spécifié en -B) et entre dans un processus de négation (-A) dont l'énergie potentielle active l'ancien adversaire B devenu quasi-inexistant. C'est un nouveau B qui surgit, B' reformulant ainsi une nouvelle opposition à A, génératrice d'autres tensions créatrices.

B' traduit l'enrichissement conceptuel qu'une oeuvre peut laisser en héritage aux hommes.

Le deuxième processus est le symétrique du premier

Noter le déplacement B - B'.

Les trois axes se positionnent l'un par rapport à l'autre selon un échange de valeurs antithétiques constamment reformulées.
L'oeuvre circule bien entre M V E mais la nature de ces axes se modifie et leur existence se confirme comme l'oeuvre "s'altère" à ces passages.

5.2.2 Exemples (suite) :

Le "noir" à son tour s'implique dans le "non-blanc"comme partie prenante du "terne", et se nie lui-même (le noir n'est qu'une intensité supérieure du terne ; il n'existe pas).
Mais le "non-noir" n'est pas le "blanc", c'est l'ensemble des teintes dont l'intensité commune mènerait au"noir". C'est donc le "coloré".
Le "blanc" initial est devenu la couleur en général. L'opposition s'est déplacée de "noir-blanc" en"noir-couleurs".

L'oeuvre de Proust poursuit une vérité universelle, reconnue de tous (publication). Ce faisant, son message personnel E qui a investi M, se détruit dans le déploiement d'une nouvelle vision de la réalité (V') : les réels éclatés en autant de signes épars et multiples, trouvent une unité à l'intérieur de l'oeuve ; un dépassement est possible (cf. "transversalité des réels" de G. Deleuze dans Proust).

Cette nouvelle vision du réel va servir à de nombreux épigones (période de criblage) et rendre, dès lors, toute autobiographie tributaire de cette découverte (période des finalités) ou ressusciter un nouvel intérêt pour l'oeuve après qu'une tension différente s'est instaurée.

5.3.1 Il faut tirer quelques conséquences importantes de cette"circulation" de l'oeuvre:
a) rappelons que, pour établir dans leur pureté les lignes de force, nous ne retenons qu'une seule oeuvre sur un champ littéraire rendu désert par définition.
b) l'oeuvre est définie ici comme une énergie cherchant à se déplacer. Aucune notation de durée n'a lieu.
c) L'espace choisi étant circulaire, le déplacement l'est aussi, ou bien il a lieu en dehors du champ littéraire et échappe à notre entreprise.
d) Un auteur souhaitant que son oeuvre soit connue, il faut établir que la "création" même de l'oeuve influe sur le type de célébrité littéraire qui l'attend.
e) Expliquer comment se fait cette célébrité, revient dans notre cadre à ne tenir compte ni du temps ni du substrat matériel et social ambiant.
f) Edifier une pure théorie c'est dégager, de la confusion réelle, des permanences fondamentales.
g) De cette théorie, nous pourrons alors envisager une analyse de la réalité d'autant que nous serons sensibilisés à certaines articulations, à certaines oppositions, ou à certains seuils et passages.
h) Ce que nous allons dire sur la célébrité, à savoir la méthode adoptée (en e, f, g) convient à l'étude ultérieure du criblage et des finalités.

5.3.2 Il y a une grande différence à faire entre la période de création ou tension, et celle de la diffusion.
Dans le premier cas, on dira que l'oeuve est constituée de x, y, z éléments .
Dans le second, on dira que l'oeuve signifie x, y, z significations.
Il s'ensuit que l'intention de l'auteur échappe d'abord au lecteur, de façon essentielle.

Il s'ensuit aussi que cette intention, monopolisée par le conflit de l'oeuvre, est captée de façon prédéterminée. N'importe quelle célébrité n'attend pas l'oeuvre : tout dépend de son origine, de sa situation interaxiale. Une prédétermination s'observe là.
Non seulement l'oeuve va vers le 3ème axe en tant qu'énergie se libérant, mais aussi l'oeuve est comprise de l'extérieur dès qu'elle est diffusée, c'est à dire ailleurs que là où elle est née, sur un autre plan.
C'est ce mouvement qui explique que l'on veuille donner une "signification" à l'oeuve alors que son auteur ne visait qu'à réaliser l'oeuve, qu'à la mener à terme, qu'à ordonner les éléments selon un "sens". Le "sens" est une intelligibilité interne ; la "signification" c'est une intelligibilité confrontée à d'autres intelligibilités, une relation entre un "déjà-là" (paroi plus ou moins poreuse, préparée à certaines réceptions et non à d'autres) et le"hic et nunc" de l'oeuve (présence qui se veut totale, obsédante, unique). Souvent même au sens de l'oeuve, ne correspond encore aucune signification, aucune grille d'interprétation possible, moins par incompréhension fatale à tout art qu'impossibilité fondamentale de comprendre par suite d'un manque de références. Différentes sont les routes vers cet accord (cf. 5.4.6 dernier paragraphe et 5.6.6).
L'oeuve donc, se jette sur l'"ombre" de la célébrité qu'elle souhaite (celle que porte le 3ème axe), mais son trajet peut être détourné de par la nature même du lieu de la diffusion. l'oeuve y subit une métamorphose: ce qu'elle capture et obtient, la modifie non seulement lors de la capture mais aussi lors du résultat de la capture.

 

5.3.3 Etudions cette disjonction due à l'inadéquation entre "sens" et "signification", inadéquation nécessaire et obligatoire.
Entre la "visée" de l'oeuve et son "impact" sur la touche, il existe un véritable écart dont nous pouvons rendre compte.
Cet écart n'est pas toujours en défaveur de l'oeuve : il arrive souvent que la disjonction se fasse en surévaluant l'oeuve et en la plaçant au-delà de toute espérance.
Pour expliciter le processus, nous partirons du fait que le trajet de l'oeuve devrait être circulaire, à savoir à égale distance du point 0.
Ainsi, si une oeuvre est sur un axe à "6", elle devrait atteindre, si aucun empêchement n'était, le point "6" sur le troisième axe.
C'est, en effet, la position qui lui convient le mieux : une oeuvre se servant d'un mythe comme d'un modèle antérieur (analogie = 6), vise une objectivisation, une confirmation dans la réalité, et propose qu'on lise les faits comme elle, grâce à l'analogie d'un mythe (axe V.point 6).
Si certains événements de la vie d'une femme sont compris grâce au mythe d'Antigone, lequel met en lumière ces événements, l'oeuvre ainsi faite poursuivra comme désir de célébrité, de servir de modèle à l'analyse de bien d'autres vies réelles et concrètes. Désir de "concrétude". Parcours circulaire parfait, sans distorsion, ni déviation.
Ce type de parcours peut se produire, de toute évidence, lorsque "sens" et "signification" s'harmonisent. Il est à situer dans le périmètre 5-5, en dehors de toute traversée de zone instable.

5.3.4 La disjonction est double : sous-évaluation, surévaluation. L'écart se mesure par rapport à la valeur initiale portée sur l'axe : une oeuvre notée 8-2 se reporte sur l'axe comme étant 8 (on oublie aussi le fait que l'oeuve est née de la relation 8-2 mais il faut distinguer l'énergie 8+2, de la position lors de la diffusion commençante).

5.4.1 A quel moment a lieu la disjonction?
Suivons le parcours de l'oeuve :
- a) issue du conflit, dont elle a pu traverser des zones instables, l'oeuve menée à terme retrouve une certaine stabilité et bénéficie d'une énergie mesurant son existence. (Elle est "là", existante en soi).
- b) Possédant forme et substance, elle possède un domaine autour de l'axe privilégié, plan unifié correspondant à une sorte de succès d'estime (propre à des ouvrages très spécialisés). Certaines uvres ne vont point au-delà.
- c) A proximité de l'axe submédian, où forme et substance se séparent, l'oeuve subit un changement d'état : elle devient métastable (ni stable ni instable, inquiète, agitée). Rappelons qu'elle "rêve" d'atteindre l'autre rive (la cible) dont elle découvre les valeurs différentes (par nature, car commence là le processus de "mise en signification" de l'oeuve) et l'attrait supérieur au sien ("Proie" à investir).
- d) A proximité de l'axe médian, un nouveau changement se produit là où l'on passe d'un bassin à un autre, d'un axe à l'autre. C'est la célébrité qui peu à peu devient métastable (elle "craint" l'erreur de jugement) tandis que l'oeuve grandit en force et en rayonnement : sa force d'attraction (ou stabilité) s'accroît.

5.4.2 C'est donc à la proximité de l'axe submédian et de l'axe médian que l'oeuve se modifie, c'est-à-dire qu'elle est"adaptée" à une réception.
Comment définir ces adaptations? De façon simple, car nous aurons un changement de direction.
Au lieu de courir droit au but, une série de déviations est visible sur le plan.
L'oeuve, comme dans le "lit de Procuste", s'y allonge ou s'y raccourcit.

Un tableau de ces déviations est possible, donnant une idée des perversions, des erreurs de jugement, des incompréhensions. Ce, à partir de l'axe submédian où l'oeuve hésite, comme la flèche tremblerait dans quelque turbulence de l'air.

Pour tracer ce tableau, il suffit de relier les valeurs d'un axe avec celles du 3ème axe, à différents niveaux.

5.4.3 Tableau des déviations (à partir de l'axe submédian)

 

 

 

 

N.B : Toutes les relations ne sont pas tracées de la Classe B vers Sous Evaluation.

En classe A, on admet que l'oeuve est assez vite appréciée comme il se doit car le champ littéraire est lisse. Les déviations sont minimes et si elles existent, elles doivent vite se corriger. Ce ne seront que des épiphénomènes peu durables. Nous optons donc pour les passer sous silence momentanément afin de conserver à notre schéma sa valeur"forte".

En classe B, on notera 26 relations d'erreur possible (sous-évaluation d'une oeuvre), 5 relations d'équivalence, et 6 relations de surévaluation.

Les chances de mésinterprétations sont plus que 2 fois supérieures aux chances d'interprétations correctes ou emphatiques .

Cela explique le nombre d'uvres, au cours des siècles, passées inaperçues en leur temps, quasi oubliées ou condamnées.

En classe C, on estime que la célébrité en cause n'est plus d'essence littéraire mais rien n'empêche qu'une oeuvre échappe à ce champ littéraire et s'enfuie de ce système.

5.4.4 Ce tableau donne la liste de toutes les interprétations erronées ou justes qu'une oeuvre peut subir.

Etait-elle "analogique" (6), la voici comprise comme"jeu" (3) ou comme "nécessité" (8). "L'Antigone" de J.Anouilh est-elle variation brillante sur un thème connu (jeu) ou expression moderne d'une question existentielle éternelle (modèle, enchaînement) ? Visiblement l'on est passé de cette dernière opinion (surévaluation) à la première actuellement.

5.4.5 Sur le plan cartésien, la trajectoire "circulaire" est souvent "détournée" alors.

 

 

Il est alors net que l'oeuve évite fondamentalement un trop long passage en zone instable. (zone 3 < 10)

Une explication plausible est de dire que l'on ramène l'oeuve à une position souvent médiocre par simplicité, comme l'inconnu est ramené au connu. D'autre part, l'oeuve elle-même s'aliène dans une reconnaissance factice, et immédiate, refusant donc par là toute période et situations intermédiaires trop longues où elle resterait incertaine de son sort (à savoir demeurer en zone instable). Il existe ,quand même, des cas où l'oeuve est surévaluée. Rien n'indique la direction que prendra l'oeuve. Ce qui importe, c'est de noter le changement de direction.

5.4.6 Un dernier cas extrême doit être envisagé : l'oeuve est infléchie soit à partir de son axe d'adaptation, soit à partir de l'axe submédian, vers 0. Il y a sous évaluation totale, non réceptivité, destruction de l'oeuve.
Certaines fois, l'auteur détruit lui-même son oeuvre, ou la voit détruite (autodafé) ; d'autre fois, un incendie de bibliothèques, la perte de manuscrits, le refus d'édition, etc.

Mais le plus intéressant est d'assister à la dégradation d'énergie de l'oeuve : placée en 7, imaginons la rétrograder peu à peu. Aucune extériorité n'est atteinte, l'oeuve se meurt en son domaine.

Il serait trompeur de ne pas admettre ce processus : des pans entiers de réflexion humaine ne présentent plus aucun intérêt, et les uvres qui leur sont liées, quelle que soit la tension qui les a fait naître, sont renvoyées vers un "non-être" relatif mais évident.

On doit donc établir que l'oeuve doit vaincre la force attractive de son axe et que cette même oeuvre étant une perturbation du champ littéraire, elle doit s'opposer à une sorte de résistance et à un retour à la normale d'essence autoréférentielle (là où il faut que l'oeuve affronte l'altérité même déviationnante).

Un double aspect apparaît :
- l'oeuve est trop liée à son axe ; dans ce cas, elle ne porte aucun germe en elle d'altérités futures (sa disparition correspond à la disparition d'un centre d'intérêt humain)
- l'oeuve est barrée à l'axe submédian ; ses valeurs sont différentes au-delà même de la différence admise, elles n'ont encore aucune place au sein des schémas de réceptivité (refus de l'oeuve). l'oeuve rétrograde le long de l'axe médian.

5.5.1 l'oeuve, secondement, est adaptée à une réception à nouveau à proximité de l'axe médian.
Il s'agit d'une seconde période de "mise en signification"de l'oeuve, dont on connaît l'existence lorsque, par exemple, l'oeuve est relue une génération après sa parution. Temps dit de "purgatoire". De nombreux changements de jugement ont lieu.
Là, commence le vrai travail de critique d'une oeuvre que l'on place à l'intérieur d'une histoire littéraire et d'un ensemble d'uvres. Cela explique que l'on obtienne souvent de notables différences entre le premier jugement et le second, mais surtout entre la perception du public et celle des spécialistes. Ambiguïté dans l'évaluation, somme toute propice à la diffusion de l'oeuve.
Mais en fait, le temps doit être laissé de côté. l'oeuve peut très bien être appréciée immédiatement par la critique, recevoir deux significations et donc avoir deux trajectoires simultanées, l'une naissant de l'axe submédian, l'autre de l'axe médian.

5.5.2 Double trajectoire.
La position de départ est capitale:
- à l'axe submédian, l'oeuve court à la célébrité par n'importe quel chemin et perd une partie de ses biens (elle est comprise comme forme ou comme substance, mais non comme l'une et l'autre). Précipitation qui la fait souvent dévier.
- à l'axe médian, les régimes sont à égalité (d'un côté un sens qui veut s'imposer, de l'autre une signification en cours).

5.5.3 Or cette description fait apparaître une difficulté.
Si nous savons les trajets déviants de l'oeuve, nous n'expliquons pas pourquoi ils naissent à l'axe submédian.
Si nous savons que le comportement de l'oeuve change à l'axe médian, nous ne savons pas quels types de trajets ont alors lieu.
C'est à une réflexion sur le champ littéraire de la diffusion qu'il faut s'arrêter.

5.6.1 Si le champ de la création était l'effet d'une tension entre deux axes, la nature du champ de la diffusion doit être conçue comme celui d'une adéquation entre le sens et la signification. Il y a donc confluences d'énergies s'accordant lorsque le champ n'est pas excité.
Dès qu'une oeuvre surgit, elle excite ce champ car son énergie le traverse.

Sa traversée momentanément assemble les "énergies" de son axe qu'elle "pince" comme dans un faisceau autour d'elle.
A ce pincement derrière elle, répond, à l'axe submédian l'éventail des "sillons" réceptifs, tracés de réceptivité pré-établis, qui s'organisent de façon symétrique mais opposée (comme au sillage du bateau, s'oppose l'évasement à la proue des eaux). C'est le long d'un de ces sillons que l'oeuve va atteindre une première heure de gloire.

A l'axe submédian, l'énergie de l'oeuve ne heurte qu'une résistance mineure vu la distance qui sépare le 3ème axe encore. (Nous posons que de chaque axe émane la même quantité d'énergies puisque les axes sont dits égaux en force inspiratrice).

C'est pourquoi l'oeuve s'écoule en surface vers un de ces chemins tout tracés. Elle "s'aliène" dans son désir; tout au moins une partie d'elle trouve une issue de cette façon. (l'axe submédian séparant forme et substance).

Sa rencontre avec les modèles admis de réceptivité l'arrêtent, la rendent instable, la canalisent en partie.
Partie superficielle. Avant l'axe submédian, les énergies - sillons de la réceptivité - sont trop faibles, mais à proximité de l'axe, cela est suffisant pour capter de l'oeuve. Un sillon choisi se dessine et se creuse d'autant.
Cela correspond à la période d'articles sommaires, de classifications et de comparaisons où l'extrinsèque d'une oeuvre (qualités annexes) l'emporte sur l'intrinsèque (qualités autonomes).

5.6.2 A ce stade de déviations, succède un stade où l'oeuve reste en suspens, poursuivant sa route vers l'axe médian.
Tout de l'oeuve n'a pas été dévié.
Cette période d'attente, plus secrète, invite à penser que l'oeuve "s'enfonce" à l'axe médian.
L'énergie de l'oeuve heurte plus violemment les énergies du 3ème axe qui affluent vers elle pour la stopper. La distance étant moindre, c'est à une résistance plus forte que l'oeuve s'oppose.
Sa densité augmente, étant ainsi resserrée et heurtée.
Elle se concentre en elle, vers ce qu'il y a en elle d'intrinsèque. Tel est son changement de comportement qui se produit à l'axe médian.

5.6.3 On peut comprendre alors quel type de diffusion l'attend. Ce n'est plus une déviation qui s'ouvre. l'oeuve impose sa direction au sein d'un milieu compact et oppositionnel.

Mais le sens de l'oeuve ne peut pas s'imposer totalement, en toute transparence. La présence des énergies de la signification empêche ce projet. Le sens va orienter la signification là où, à l'axe médian, on avait l'inverse, mais la signification va modifier la nature de l'oeuve.

On le conçoit à observer les trajets éventuels de l'oeuve :
- soit l'oeuve se condense, s'intensifie pour atteindre la valeur adéquate;
- soit l'oeuve s'éparpille, éclatant en plusieurs sens vers l'axe;
- soit l'oeuve tourbillonne, se déplace en spirale, pour imposer là aussi sa direction.

Il n'y a donc que trois "allures" possibles (là où, à l'axe submédian, il y avait combinatoire ).
Nous nommerons ce phénomène "distorsions": l'oeuve s'altère pour "saisir" la notoriété, diriger la mise en signification.
En effet, on aura de façon physique, un resserrement pour "fendre" la résistance, ou une explosion libérant l'énergie coincée, ou une rotation due à la force cinétique de l'oeuve.
A chaque fois, il y aura eu métamorphose.

5.6.4 Nous aurons donc en résumé (visuellement) ceci:
- une adéquation sens-signification où les flèches de l'axe 2 et de l'axe 3 se rencontrent deux à deux ;
- une déviation issue des sillons de réceptivité face aux pincements initiaux de l'oeuvre ;
- une distorsion où l'oeuvre se condense, ou s'éparpille, ou tourbillonne.

La figure "Distorsion" représente les trois sortes de distorsions : explosion, rotation, resserrement. ; comment l'oeuvre en suspens heurtant les énergies de l'axe 3 est contrainte d'adopter une de ces trois distorsions.

 

5.6.5 La critique littéraire dans sa réception de l'oeuve exprimera et révèlera ces trois mouvements physiques.
Car, quelle que soit la période, quel que soit le lieu, on observe trois types de critique. Et même si le spécialiste s'estimera lésé parce qu'il lui semble qu'il tient compte de tous les aspects, le fondement de cette triple division apparaîtra.
° Toute réceptivité basée sur l'étude du style, des figures, des genres, de modèles et de formes, des relations avec d'autres textes, des procédés et des images, etc., revient à"faire exploser" l'oeuve en mille éclats. Esthétisme de la répartition et de l'illustration.
oo Toute réceptivité axée sur l'analyse des facteurs historiques, sociologiques, psychologiques, mythologiques et des composantes culturelles et ethniques, renvoie à "faire tourner" l'oeuve, à l'expliquer par ce qu'elle reflète ou entraîne, à rattacher à son essence des vertus périphériques, à se servir de sa cohérence et de son organisation. Ce sont des interprétations réfléchissantes donnant à l'oeuve sa rotation.
ooo Toute réceptivité, enfin fondée sur le traitement d'une donnée (relevé ou/et analyse comparative d'un thème, d'une configuration, d'une idée), et sur la mise en place de l'oeuve à l'intérieur d'un corpus (situation spatio-temporelle, nombre de pages, extraits, biographie,etc.) correspond à "resserrer" l'oeuve, à "l'aiguiser" de façon à n'en garder que la substantifique moelle parce que l'on cherche à l'individuer.

(Autrefois, on cherchait à saisir si l'oeuve imitait bien les Anciens ou non; actuellement, on parlera de thème).
Ces trois catégories s'apparentent, dans l'ordre, à une théorie générale (ou modélisation abstraite), à un schématisme interprétatif, à un projet empirique, - cela en littérature.

Nous garderons à l'esprit qu'un déterminisme spatial explique ce triple aspect.

5.6.6 La critique littéraire évolue, se modifie, bref est aussi une forme d'invention - création à la mesure de la création de l'oeuve, non comme son égale mais comme la continuation de son trajet mondain, le substrat de son objectivation.
Certainement, on doit la faire naître à l'intersection de ces trois aspects, dont elle subit les tensions et qu'elle tente de résoudre différemment. Ces solutions nouvelles sont autant de formes nouvelles de critique.
Et ce phénomène est essentiel si l'on conçoit que bien des uvres font surgir des formes qui nécessitent des "moules" interprétatifs encore non construits lors de la naissance de l'oeuve. Ces "moules" ou cadres réceptifs qui intègrent l'oeuve à un réseau de relations anciennes et modernes, à un réseau d'intentions et d'émotions, à un "état d'esprit", ne sont pas, tous, déjà là et prêts: le rôle de la critique est de les créer.
A notre sens, cela s'effectue grâce à un "champ critique"animé de tensions provenant des trois pôles ci-dessus.
A l'oeuve déviée, correspond une critique qui précède l'oeuve (critique qui, elle aussi, a un triple aspect) ;
A l'oeuve en distorsion, une critique qui suit l'oeuve, se modifie à son contact, cherche de nouveaux repères, fonde un "cadrage" adéquat.

Bien des oeuvres se contentent d'un cadrage existant, ajustable rapidement. Certaines imposent à la critique une construction plus ou moins intégrale.

La distinction entre ces deux catégories d'oeuvres peut se faire au regard de la troisième période dite de "criblage" ou l'oeuve engendre d'autres oeuvres.

 

 


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